Une simulation numérique montre le glacier du Rhône tel qu’il était en 1874 et tel qu’il sera probablement en 2100. Jamais une telle démarche n’a porté sur une si longue période et n’a pris en compte des données et modèles aussi complexes. Fruit d’une collaboration entre les deux Ecoles polytechniques fédérales, ces travaux vont servir à tous les acteurs concernés par l’état des glaciers.
De son coté, le Laboratoire d’hydraulique, d’hydrologie et de glaciologie, à l’EPF de Zurich (Martin Funk/Matthias Huss), dispose de nombreuses données sur les températures, les précipitations et le ruissellement du glacier du Rhône depuis le XIXe siècle. Il a ainsi reconstitué le bilan de masse du glacier du Rhône, à savoir la différence entre la glace accumulée durant l’hiver et la glace fondue durant l’été1. Les mathématiciens Marco Picasso et Guillaume Jouvet, de la Chaire l’analyse et de simulation numérique, dirigée par le professeur Jacques Rappaz, à l’EPF de Lausanne, conjuguent ces données à leur modèle numérique.
Résultat: ils sont parvenus à faire une simulation numérique du passé et du futur du glacier sur 226 ans (voir sur http://iacs.epfl.ch/~jouvet). Les chercheurs ont retenu trois scénarios pour l’avenir. "Nous avons considéré le médian, ni trop optimiste, ni trop pessimiste", explique le doctorant Guillaume Jouvet. Celui-ci prévoit - sur cent ans - une hausse de la température régionale de 3,8 degrés et des précipitations en baisse de 6%. Ces modifications feraient alors remonter significativement l’actuelle ligne d’équilibre - qui délimite la zone d’accumulation de neige/glace et la zone de fonte - située autour de 3000 mètres. Si cette ligne s’élève, le glacier recule. Toujours pour ce scénario, la simulation indique une perte de 50% du volume en 2060 et prévoit l’extinction totale du glacier du Rhône aux alentours de 2100. "C’est la première fois qu’une simulation numérique est réalisée pour un glacier sur une aussi longue durée, en tenant compte de données très complexes", note Marco Picasso, maître d’enseignement et de recherche. En effet, si cela fait longtemps que l’humain fait des mesures sur les glaciers alpins, il n’y a que depuis peu que l’on peut effectuer des simulations numériques. Pour corroborer leur méthode, les mathématiciens travaillent même à la reconstitution d’un glacier disparu dans les Grisons. Dans ce cas, le vestige des moraines vieilles de 10 000 ans permet de retrouver la ligne d’équilibre de l’époque. Les travaux des chercheurs vont être d’une grande utilité pour tous les
milieux concernés par l’état des glaciers: du tourisme à l’agriculture, en passant par les producteurs d’énergie électrique. A noter que ce modèle numérique pourrait également être utilisé pour les calottes polaires. "Les mathématiques tiennent une place importante dans notre société. Elles nous permettent de simuler un grand nombre de phénomènes environnementaux", conclut Marco Picasso.