Inspirée par la génétique, la chimie tient enfin son code

Inspirée par la génétique, la chimie tient enfin son code

La nature prouve tous les jours qu’elle est en même temps complexe et efficace, et même que sa complexité participe à son efficacité. Les organiciens - les chimistes qui travaillent sur des molécules à base de carbone - l’envient, eux dont les outils classiques les confinent à des réalisations plus simples. Grâce au travail de l’équipe de Stefan Matile de l’Université de Genève, ces limites pourraient devenir un mauvais souvenir. Sa publication dans la revue Nature Chemistry propose en effet aux chimistes une sorte de code leur permettant d’accéder à de nouveaux niveaux de complexité.

Stefan Matile opte pour la franchise. Pour lui, si la chimie organique aime tant simplifier ses systèmes fonctionnels, c’est qu’il lui est souvent impossible de construire et de gérer des architectures moléculaires aussi complexes que celles que la nature réalise avec une efficacité redoutable. «C’est un fait, continue le professeur de l’Université de Genève et membre du NCCR Chemical Biology, nous sommes loin de pouvoir égaler le génie de la nature.»

Là où naît la complexité

Ce génie naturel, le spécialiste le met au compte du code génétique. «Il est plutôt simple puisqu’il repose sur quatre bases, adénine, cytosine, guanine et thymine (A, C, G, T). La structure en double hélice de l’ADN est elle aussi assez simple. La complexité naît essentiellement du transfert de cette information d’une étape à l’autre par la cellule.» Stefan Matile croit depuis longtemps qu’il existe aussi un code en chimie organique et qu’il faut le découvrir. Ce qu’il est convaincu d’avoir réalisé grâce au concours de son collaborateur, Edvinas Orentas. «Je dois admettre que c’est un travail extrêmement compliqué, fondamental et théorique, reprend le professeur. Mais je le crois aussi assez révolutionnaire surtout si nous arrivons à le mettre en oeuvre sur le plan pratique.»

Poser les plans par terre

En effet, grâce à lui, les organiciens pourraient cesser de construire leurs systèmes fonctionnels laborieusement atome par atome, liaison par liaison. Le code leur permettrait d’écrire des plans en deux dimensions, un défi relativement simple et gérable. La complexité des systèmes tridimensionnels serait ensuite créée par transcription de cette information planifiée, une transcription qui procède, démonstration à l’appui, avec une fidélité de 97%, donc proche de la perfection. Une façon puissante d’approcher la complexité de la nature.

Désormais, le groupe de Stefan Matile va tenter de mettre ce code en pratique pour réaliser des matériaux de surface comme ceux que l’on utilise pour fabriquer des cellules solaires organiques, lesquelles imitent les processus en oeuvre dans la photosynthèse. «Nous ne savons pas encore si cela va marcher exactement comme nous l’attendons, mais l’aventure s’annonce passionnante.»