Certaines cellules sont régulièrement soumises à des tensions qui les déchireraient purement et simplement si la nature ne les avait pas dotées de structures leur permettant ces exercices d’extension. Mais il arrive que le grand écart qu’on exige d’elles dépasse leur souplesse moyenne. Les cellules peuvent alors compter sur un mécanisme moléculaire qui leur permet de répondre à ces soudaines exigences anormales. Des chercheurs de l’Université de Genève et du Pôle de recherche national Chemical Biology alliés à une équipe du Max Planck Institute ont mis en évidence certains détails de ce mécanisme qui se traduit par un jeu subtil entre deux parties distinctes de la membrane cellulaire constituée de lipides et de protéines. Cette découverte, réalisée sur des levures, fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Cell Biology.
On n’imagine guère les contraintes physiques auxquelles sont soumises certaines cellules, par exemple, pendant l’embryogenèse et qui les contraint parfois à des exercices d’extension impressionnants. Heureusement pour elles - et pour l’organisme en phase de développement – elles sont dotées de structures leur permettant de répondre à ces contraintes. Il s’agit d’invaginations placées à espaces réguliers sur la membrane cellulaire, laquelle est principalement constituée de lipides et de protéines. Ces plissements se détendent quand la cellule est soumise à une tension et lui évitent une déchirure fatale.
«Reste que ces invaginations sont prévues pour répondre aux contraintes quotidiennes, explique Robbie Loewith du PRN Chemical Biology. Mais il arrive qu’elles soient confrontées à une situation exceptionnelle, qui dépasse les capacités de ces invaginations. Toute la question est de savoir comment elles s’y adaptent.»
Alerte au stress physique
Les équipes de l’Université de Genève et de l’Institut Max Planck pensent avoir découvert une grande partie du scénario qui se dissimule derrière ce mécanisme. La membrane cellulaire se caractérise par des domaines différents, un peu comme si les briques qui la constituent possédaient certaines spécialités fonctionnelles. Les invaginations sont aussi appelés eisosomes. Quand ces derniers «sentent» qu’une contrainte exceptionnelle risque d’endommager la cellule, ils contribuent à la production d’une protéine qui va voyager jusqu’au domaine voisin et se lier à un complexe de protéines baptisé TORC2, lequel joue un rôle important dans le métabolisme cellulaire.
En recevant ce message, TORC2 est suractivé et se met à produire des lipides en masse qui vont aller se glisser dans la membrane et lui donner plus de mou; un peu comme s’il était possible d’ajouter des molécules de caoutchouc à un élastique approchant son point de rupture.
«Au fur et à mesure que ces lipides intègrent la membrane, détaille Aurélien Roux, l’un des auteurs de l’article et chercheur au PRN Chemical Biology, la tension se relâche au niveau des eisosomes. En deçà d’un certain niveau, ils cessent d’envoyer des messages au complexe TORC2 qui à son tour arrête la production de lipides supplémentaires.»
Selon les auteurs de l’article, des anomalies génétiques qui perturbent cette cascade de signalisation, pourraient expliquer le mauvais fonctionnement de ce mécanisme et la survenue d’épisodes asthmatiques chez certains bébés.