Des chercheurs ont découvert comment le virus du sida entre dans les cellules du système immunitaire, permettant ainsi sa propagation dans l’organisme. Ce mécanisme demeurait jusqu’alors une énigme pour la communauté scientifique.
S’il n’existe toujours pas de remède contre l’infection VIH, c’est notamment en raison de la cible visée par le pathogène. Le virus du sida infecte en effet les cellules du système immunitaire, qui normalement activent la réponse capable de stopper l’infection. Ces cellules sont un type de globules blancs appelés lymphocytes’T CD4, dénommés ainsi car ils portent la protéine CD4 à leur surface. Comment le virus du sida parvient-il à infecter les lymphocytes’T CD4? Cette question demeurait jusqu’à présent un mystère. Celui-ci est désormais élucidé par l’équipe de chercheurs internationaux.
Les cellules dendritiques, gardiennes de notre immunité....
Lorsqu’un pathogène entre dans notre corps, les cellules dendritiques jouent un rôle essentiel dans l’activation de la réponse immunitaire. Elles agissent en patrouillant dans notre organisme et en capturant les agents infectieux qui nous envahissent afin de les livrer aux cellules’T responsables de détruire les microbes. «Le VIH a cela d’ingénieux qu’il est capable de détourner les cellules dendritiques à son avantage en s’y faufilant, sans pour autant les infecter, et en les utilisant pour l’acheminer vers ses cibles principales, les lymphocytes’T CD4», résume Amalio Telenti.
...mais également cheval de Troie du VIH
Mais comment le VIH fait-il pour réussir une telle prouesse? «Bien qu’elles soient normalement responsables de l’activation de la réponse immunitaire, les cellules dendritiques agissent dans le cas du virus du sida comme de vrais chevaux de Troie: une fois le VIH capturé, les cellules dendritiques concentrent le virus toujours actif dans la région de avec les cellules’T CD4, favorisant leur infection au lieu de permettre l’initiation d’une réponse immunitaire adéquate contre le VIH. Elles facilitent ainsi la propagation de l’infection dans tout l’organisme», poursuit le professeur de l’UNIL.
L’étude menée par le Javier Martínez-Picado (IrsiCaixa, Barcelone, Espagne), en collaboration avec les équipes du Hans-Georg Kräusslich (Université de Heidelber, Allemagne) et du Amalio Telenti (Université de Lausanne, Suisse), avait pour but d’identifier précisément la porte d’entrée utilisée par le VIH pour se cacher dans les cellules dendritiques.
Pour ce faire, les chercheurs se sont concentrés sur une famille de protéines appelées Siglecs, présentes à la surface des cellules dendritiques et soupçonnées de conférer à ces dernières la capacité de capturer et d’intégrer le VIH. Ils ont réalisé des expériences mélangeant des virus avec des cellules dendritiques présentant des quantités variables de Siglec-1. Les scientifiques ont de ce fait pu conclure que lorsque la quantité de Siglec-1 augmentait à la surface des cellules dendritiques, ces cellules capturaient plus de virus, permettant ensuite une meilleure transmission des virus aux lymphocytes’T CD4 cibles, lesquels devenaient alors hautement infectés.
Les chercheurs ont également effectué des expériences où ils inhibaient la protéine Siglec-1 en bloquant, d’une part, la protéine avec des anticorps et en inhibant, d’autre part, son expression à partir du gène correspondant. Dans ces circonstances, les cellules dendritiques perdaient leur capacité de capturer le VIH et, plus important encore, perdaient également leur aptitude à transférer le VIH aux lymphocytes’T CD4.
L’équipe lausannoise s’est pour sa part concentrée sur les analyses génétiques et bio-informatiques qui ont permis l’identification du gène responsable de l’expression de la protéine Siglec-1.
Une nouvelle cible thérapeutique de choix
En présence de toutes ces données, les scientifiques internationaux ont conclu que Siglec-1 était la molécule responsable de la capture et de l’entrée du VIH dans les cellules dendritiques, permettant ensuite la transmission virale aux lymphocytes’T CD4. «Cette découverte offre de nouvelles perspectives quant au mode de pénétration du VIH dans les cellules dendritiques et à la manière dont le virus échappe aux programmes usuels de dégradation des pathogènes. Siglec-1 pourrait par conséquent devenir une nouvelle cible thérapeutique de choix. Cette protéine facilitant certainement l’entrée d’autres virus, ces résultats pourraient par ailleurs servir au développement de traitements pour d’autres infections exploitant ce même mécanisme de propagation», conclut Amalio Telenti.