Dans la famille des demoiselles, les espèces herbivores peinent à s’adapter aux altérations qui interviennent dans les récifs coralliens. Une étude explique ce phénomène.
Au bénéfice d’un subside Sinergia du Fonds national suisse, le doctorant Glenn Litsios s’est intéressé à l’évolution au cours du temps de la niche environnementale propre à chaque espèce animale ou végétale. Dirigée par Nicolas Salamin, professeur assistant au Département d’écologie et évolution et «group leader» à l’Institut Suisse de Bioinformatique, sa recherche publiée cette semaine dans le journal Proceedings of the Royal Society démontre la fragilité de certains poissons herbivores face aux changements climatiques.
Au sein d’un même groupe, chaque espèce animale ou végétale possède une niche environnementale que l’on peut définir par les conditions climatiques permettant sa survie et sa reproduction. Il s’agissait de modéliser l’évolution de la niche environnementale dans la famille des demoiselles, qui compte 350 espèces associées aux récifs coralliens et dont les membres les plus connus sont les poissons-clowns, un groupe de trente espèces planctivores.
Après avoir reconstruit l’histoire évolutive de cette famille en étudiant sur une base génétique la généalogie de 200 espèces de demoiselles sur plus de 50 millions d’années, les chercheurs ont pu constater qu’au cours de l’évolution, les demoiselles herbivores ont changé de niche environnementale bien moins vite que les espèces se nourrissant de zoo-plancton. Ceci peut être expliqué par l’étonnante habitude qu’ont les demoiselles herbivores de cultiver les algues qu’elles consomment. Ces véritables fermières protègent leur «potager» contre les autres groupes herbivores et désherbent les algues non comestibles afin de ne garder que les plus tendres, contribuant ainsi à favoriser la biodiversité des récifs.
Contrainte comportementale
L’interaction entre ces demoiselles et les algues qu’elles cultivent représente une contrainte qui les empêche de pouvoir s’adapter facilement aux modifications intervenant dans leur environnement. En effet, pour qu’elles puissent changer de niche écologique, il faut que les algues qu’elles cultivent tolèrent également ces nouvelles conditions liées par exemple à la température de l’eau, à son oxygène, à la salinité ou encore à l’acidité des océans.
Cette modélisation sur plus de 50 millions d’années indique que les espèces herbivores confrontées aux changements climatiques actuels auront probablement bien plus de problèmes à s’adapter aux nouvelles conditions environnementales que leurs cousines planctivores. Leur capacité d’adaptation se trouve en effet diminuée par leur subtil comportement au sein des récifs coralliens.