Souvent négligés, voire même ignorés, les sols urbains jouent pourtant un rôle majeur dans la régulation du climat, le cycle de la matière organique et celui des éléments nutritifs. Leurs propriétés physico-chimiques et fonctionnelles sont très proches de celles des sols alluviaux. C’est là l’une des conclusions du doctorat que Joël Amossé soutiendra ce jeudi à l’Université de Neuchâtel. Entrepris sous la co-direction des professeurs Jean-Michel Gobat (Laboratoire Sol et Végétation) et Edward Mitchell (Laboratoire de biologie du sol), ce travail s’appuie sur une analyse des sols historiques de la ville de Neuchâtel remontant jusqu’au XIe siècle. Réalisé avec le soutien de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), il met en lumière toute l’importance de la faune du sol pour la durabilité des écosystèmes urbains.
A travers l’étude de l’histoire de la ville de Neuchâtel et de ses étapes de développement, ce travail présente une approche originale et interdisciplinaire. Précieux révélateur des activités humaines sur les changements d’état ou de fonctionnement des sols, la faune du sol restait jusqu’ici très peu étudiée dans le contexte urbain. D’où l’impulsion donnée par l’OFEV via le projet BUS (Bioindication in Urban Soils), visant à mieux comprendre les fonctionnalités des sols de nos villes.
Pour y apporter des réponses, Joël Amossé a comparé les communautés de vers de différentes tailles (lombrics, enchytréides et nématodes) présentes dans les sols urbains avec celles de sols alluviaux naturels. Dix-huit sols de différents ’ges, entre le XIe et le XXIe siècle, ont été choisis en ville de Neuchâtel et comparés à des sols au comportement jugé proche : les sols alluviaux des bords de l’Allondon dans le canton de Genève.
« Nos résultats montrent que, en milieu urbain, les vers étudiés sont de bons indicateurs pour évaluer les conditions physico-chimiques des sols, comme l’effet des apports de compost, la stabilité de leur structure ou encore la qualité des réseaux trophiques », constate Joël Amossé. C’est d’autant plus important lorsqu’on sait que les vers de terre représentent le quatrième groupe animal le plus abondant des villes après les humains, les chats et les chiens, comme l’a montré une autre recherche menée à Bruxelles. Avec près de 800 individus par citadin, les vers de terre assurent une grande part de la décomposition des matières organiques de nos villes.
Les sols urbains permettent, entre autres, le stockage de carbone ainsi que l’infiltration des eaux de pluie. L’humidité est ensuite progressivement restituée par évaporation dans l’atmosphère et contribue à la régulation thermique de la ville. De plus, les polluants sont retenus dans les sols et y sont, en partie, dégradés. Mais attention, avertit le spécialiste, un sol bétonné n’est plus un sol ! Sous le béton, l’air et l’eau ne pénètrent plus. Les organismes ne peuvent y survivre. Sans la présence de végétaux, d’animaux ou de microorganismes, le sol de la ville devient alors un désert...