Avis de tempête : 150 ans de dégâts dans les forêts suisses

Avis de tempête : 150 ans de dégâts dans les forêts suisses

Les tempêtes hivernales sont responsables des dommages les plus graves que peuvent subir les forêts suisses. Une thèse, rédigée en collaboration avec l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL et soutenue aujourd’hui à l’Université de Neuchâtel (UniNE), recense 150 ans de dégâts forestiers dus aux vents violents. Elle confirme que Lothar, qui s’est déchaîné en 1999, a nettement surpassé tous les autres événements de ce genre depuis plus d’un siècle. Quant à l’avenir, difficile de prévoir où et avec quelle intensité passeront les tempêtes. Seule certitude : il y a en aura encore et les dégâts risquent d’être plus importants.
Nidwald, Fribourg, Argovie, Zoug et Zurich. Tels sont dans l’ordre décroissant les cantons où les forêts ont le plus souffert des tempêtes hivernales qui ont balayé la Suisse de 1865 à 2014. Le chercheur Tilo Usbeck a pris en compte 26 événements pour se livrer à des comparaisons. « En 150 ans, il y a eu bien plus de 26 tempêtes qui ont causé des dégâts aux forêts, explique-t-il. Mais pour pouvoir disposer de données suffisantes, j’ai considéré celles qui ont abattu plus de 70 000 m3 de bois. Il faut en effet que les conséquences aient une certaine ampleur pour que les registres cantonaux et fédéraux les aient mentionnées. »
Sur la durée étudiée, on constate que 23 des 26 événements retenus se soldent par des dégâts inférieurs à 2 millions de m3 de bois. Les trois événements qui en ont causé davantage sont une tempête en 1967 (2,9 millions de m3), la tempête Vivian en février 1990 (5,1 millions de m3) et la tempête Lothar en décembre 1999 (14 millions de m3, soit 20 fois plus que la limite inférieure retenue dans l’étude). Les résultats montrent une augmentation progressive de l’amplitude absolue et relative des dommages ainsi que de leur fréquence. Depuis 1865, plusieurs facteurs se sont conjugués pour accroître les dégâts : augmentation du volume de bois sur pied ainsi que de la vitesse des rafales de vent, des températures et des précipitations.
Les recherches montrent qu’après une centaine d’années de calme relatif et de dommages limités, les dernières années du XXe siècle et les premières du XXIe ont connu les vents plus violents. La situation s’est ensuite calmée depuis une dizaine d’année. Tilo Usbeck explique que « cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de tempête violente ces dix dernières années. Mais celles qui ont traversé l’Europe se sont situées plus au nord et la Suisse a été épargnée. »
Même si les liens entre le réchauffement climatique et une possible hausse de l’activité des tempêtes hivernales sont encore discutés, on s’attend à ce qu’il y ait à nouveau des dégâts importants à l’avenir. En effet, indépendamment de la force des tempêtes, la forêt s’agrandit, à la fois par la surface qu’elle occupe au sol et par le volume des arbres, dont la taille s’accroît. Pour la Suisse, les régions du versant nord des Alpes, du Plateau et de l’Arc jurassien continueront d’être en première ligne, alors que le sud et l’est du pays resteront moins exposés. Les reliefs comme le Jura et les Alpes jouent un rôle déterminant dans l’évolution des tempêtes hivernales. Cela peut se traduire aussi bien par une augmentation des dommages sur le Plateau ou les Préalpes que par leur atténuation dans les régions intra-alpines et sur le versant sud des Alpes.
Les résultats de cette thèse ont déjà pu être pris en compte dans la planification forestière des régions particulièrement vulnérables. On veille désormais à y donner une plus grande importance au choix du type d’essence ou à l’âge des arbres afin de renforcer la résistance des forêts en cas de tempête.