Découverte d’une maladie génétique par des chercheurs UNIL-CHUV

Découverte d’une maladie génétique par des chercheurs UNIL-CHUV

C’est en observant des patients «hors norme» alliant un retard de développement sévère et un trouble de la croissance osseuse, que le Dr Andrea Superti-Furga, professeur ordinaire à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et chef de service au CHUV, s’est interrogé sur la possibilité d’une cause commune à ces deux maux. A la clé, la découverte d’une nouvelle maladie génétique qui ne porte pas encore de nom. Au vu de leur importance, ces travaux font l’objet d’une publication dans l’édition en ligne du 23 mai 2016 de la prestigieuse revue «Nature Genetics».

Dans l’étude qu’il a dirigée et publiée dans le , le Prof. Superti-Furga recense neuf individus atteints de cette nouvelle maladie, provenant d’Italie, du Canada, du Royaume-Uni, de France et du Japon. Le plus jeune patient a 3 ans et le plus ’gé 46 ans; certains patients sont frère et soeur. Le nombre de patients identifiés étant encore restreint, les recherches du Centre des maladies moléculaires du CHUV ont été menées en étroite collaboration avec le Département de biologie computationnelle de l’UNIL et avec l’aide des scientifiques de l’University of British Columbia, à Vancouver (Canada), l’University of Toronto (Canada), le Radboud University Medical Center, à Nijmegen (Pays-Bas), d’autres chercheurs à Zurich, Pavia et Vienne, ainsi que des cliniciens d’Italie, du Royaume-Uni, de France et du Japon.

La collaboration comme clé du succès
«Au cours de ces cinq dernières années, la Prof. Luisa Bonafé, moi-même et notre équipe avons diagnostiqué cette combinaison de signes cliniques chez huit patients et trouvé des mutations génétiques. Mais c’est en 2015, quand nos collègues canadiens nous ontés à propos d’un petit patient chez lequel ils avaient démontré des métabolites anormaux dans le liquide céphalo-rachidien, le plasma et l’urine que les choses ont bougé rapidement», retrace le Prof. Superti-Furga, spécialiste des maladies génétiques. «En échangeant nos échantillons, nous avons pu confirmer de manière réciproque que ces patients qui combinaient un retard de développement intellectuel (avec manque de langage) et une petite taille souffraient en fait d’un même et unique déficit. Nous avons ensuite pu compter sur l’aide de chercheurs dans plusieurs autres centres pour explorer et valider toutes les facettes génétiques, métaboliques et cliniques de cette nouvelle maladie. La collaboration a fait la force!»

L’acide sialique, marqueur de croissance du cerveau
L’étude a démontré que c’est plus précisément un trouble de la synthèse de l’acide sialique qui serait à l’origine de ces dysfonctionnements. Issu du grec «sialon» qui veut dire «salive», l’acide sialique est un dérivé de sucre comprenant onze atomes de carbone qui joue chez l’être humain un rôle important dans les interactions intercellulaires. «L’acide sialique est présent partout dans notre corps, mais surtout dans notre cerveau, qui en contient beaucoup plus que celui des autres animaux, même des singes. Il constitue d’ailleurs un marqueur de la croissance du cerveau chez l’homme, en comparaison avec les singes», détaille le Prof. Superti-Furga.

L’acide sialique est ainsi connu pour ses effets bénéfiques non seulement pour le développement de l’enfant normal, mais également pour accroître la puissance cognitive chez les personnes ’gées. A noter que le lait maternel est beaucoup plus riche en acide sialique que le lait de vache ou même le lait en poudre pour enfants.

Le gène NANS ( N-acetylneuraminic acid synthase ) est responsable de la synthèse de l’acide sialique. Chez les neuf patients qui ont fait l’objet de l’étude, huit différentes mutations récessives -c’est-à-dire qu’un individu peut être porteur de la mutation sans déclarer la maladieont été identifiées dans ce gène. Avec pour conséquence une synthèse d’acide sialique dans leurs cellules fortement ralentie. Pour mener à bien leurs recherches et confirmer le rôle central de l’acide sialique dans le développement précoce du cerveau et la croissance du squelette, les scientifiques ont utilisé pour modèle des embryons de poisson zèbre. En ajoutant de l’acide sialique dans l’eau d’élevage, ils sont parvenus à prévenir les défauts de leur squelette.

Vers une thérapie par voie orale?
Afin de pallier le déficit en acide sialique, les médecins en Suisse et au Canada explorent la possibilité d’une thérapie par voie orale, sachant que l’acide sialique ainsi administré est bien toléré et ne présente pas d’effets collatéraux. Même si les patients et leur famille attendent beaucoup de cette approche, il faut éviter de faux espoirs. «Nous ne savons pas dans quelle mesure l’apport en acide sialique durant le développement embryonnaire dépend essentiellement de la synthèse endogène, tempère le Prof. Superti-Furga. D’autres expériences seront donc nécessaires pour voir si un apport externe d’acide sialique peut être ou non bénéfique pour le patient».

De nouvelles recommandations alimentaires
L’incidence du défaut de NANS n’est pas encore connue, et la possibilité d’un diagnostic biochimique et moléculaire va certainement aider à l’identification d’un plus grand nombre de patients. Mais outre l’aspect strictement lié aux individus atteints de cette maladie génétique, les travaux du Prof. Superti-Furga et de ses collaborateurs pourront avoir un impact plus large sur la science de la nutrition chez l’homme. «Cette découverte soutient la recommandation déjà émise par les nutritionnistes de fortifier en acide sialique non seulement les laits pour bébés afin d’assurer un développement optimal de leur cerveau, mais également les aliments pour personnes ’gées afin de renforcer leur puissance cognitive», conclut le professeur.