Les phénomènes hydrauliques sont déterminants pour la vie microbienne

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Les phénomènes hydrauliques sont déterminants pour la vie microbienne

Une nouvelle étude a découvert que l’hydraulique est un facteur déterminant pour la vie microbienne le long des cours d’eau et des rivières, avec des implications importantes pour la santé des rivières, leur biodiversité et la qualité de l’eau.

Dans les cours d’eau et les rivières, les bactéries, les algues et d’autres micro-organismes constituent des communautés étroitement liées qui nourrissent l’écosystème, gèrent sa biodiversité, et purifient l’eau. Ces communautés existent sous diverses formes, nageant librement, ou formant des agrégats, ou sous la forme de biofilms qui s’attachent aux pierres et sur d’autres surfaces. Pour la première fois, une équipe de chercheurs a montré que l’intensité des turbulences auxquelles les micro-organismes sont exposés détermine la forme de leur communauté. Leurs découvertes, publiées dans la revue Nature Microbiology, ont d’importantes implications pour la santé des rivières, la biodiversité et la qualité de l’eau.

«Dans les cours d’eau, l’énergie qui soutient la vie se trouve sous deux formes: le carbone organique dissous, et la lumière du soleil. Tous deux doivent d’abord avoir été capturés et transformés, de manière à devenir accessibles aux espèces qui occupent les niveaux les plus élevés de la chaîne alimentaire», explique Tom Battin, auteur principal de l’étude. Dans la nature, les communautés microbiennes se chargent de cette tâche essentielle.

Commander l’aiguillage

«Pendant des décennies, on a pensé que ces communautés microbiennes existaient de manière prédominante sous la forme de cellules flottant librement; désormais, on a compris que la plus grand partie de la vie microbienne dans les cours d’eau existe sous la forme de biofilms et d’agrégats», précise Tom Battin. Tandis que les communautés nageant librement sont très communes dans les eaux libres, les biofilms se trouvent principalement dans les eaux turbulentes. Les agrégats tendent à se former quelque part entre les deux.

Robert Niederdorfer, PhD dans le laboratoire de Tom Battin et premier auteur de l’étude, s’est attaché à déterminer ce qui conduisait les communautés à adopter un style de vie spécifique. Est-ce le hasard qui a dicté quelles espèces de bactéries, et par conséquent, quel mode de vie allait prévaloir? Ou serait-ce que, comme ils en ont fait l’hypothèse, les phénomènes hydrauliques, tels que le niveau de turbulence, commanderait l’aiguillage vers un style de vie ou un autre?

Pour en avoir le c’ur net, le doctorant a extrait des communautés bactériennes nageant librement dans l’amont d’un cours d’eau, et dans des plaines inondables en aval. Ensuite, il a mis en culture les deux échantillons dans deux montages expérimentaux, l’un utilisant de grands réservoirs d’eau rotatifs pour reproduire les conditions de faible turbulence rencontrées dans les grandes rivières et leurs zones inondables, l’autre imitant des ruisseaux alpins turbulents en faisant couler l’eau en permanence sur des pentes inclinées.

L’hydraulique éclipse le hasard

Indépendamment de l’endroit où les micro-organismes avaient été initialement prélevés, ceux qui ont été injectés dans les réservoirs rotatifs ont formé des agrégats, tandis que les autres ont formé des biofilms. Mais, fait remarquable, l’analyse moléculaire des biofilms et des agrégats a montré qu’ils se distinguaient fortement selon la composition des espèces, même s’ils avaient été cultivés à partir de la même communauté bactérienne initiale. «Le fait que la composition des communautés a changé indépendamment de la source, mais selon leur mode de vie microbien, signifie que les phénomènes hydrauliques constituent un agent déterminant plus puissant que les processus aléatoires», souligneTom Battin.

A l’aide de la bio-informatique, Hannes Peter, co-auteur de l’étude, a pu révéler que le processus de différenciation était provoqué par des espèces microbiennes-clé qui sont particulièrement bien adaptées aux divers environnements turbulents. Par exemple, dans des conditions de fortes turbulences en présence de surfaces, les bons générateurs de biofilms ont pris le dessus et continué à former l’ossature d’une communauté à laquelle d’autres espèces de micro-organismes peuvent s’arrimer.

Les découvertes de l’étude ont des implications immédiates pour promouvoir la santé des écosystèmes des cours d’eau. «Augmentez la variabilité hydraulique le long des cours d’eau et des rivières, et vous stimulez la vie microbienne et la diversité!» s’enthousiasme Tom Battin. Au-delà, l’étude suggère des moyens pour générer des biofilms pour des applications industrielles. «Le fait que la différentiation entre des mode de vie distincts n’est pas aléatoire mais plutôt déterministe signifie qu’un jour, nous serons peut-être capables d’utiliser l’hydraulique pour générer des biofilms et leurs communautés pour accomplir certaines tâches dans les systèmes industriels. Bien sûr, nous avons encore du chemin à faire», conclut-il.