Des chercheurs de l’EPFL ont fabriqué un dispositif en graphène modulable qui pourrait rendre les systèmes de communication sans fil bien plus rapides et efficaces. Leur système peut fonctionner à de très hautes fréquences, et avec des performances jamais atteintes.
Téléphoner en utilisant un système de communication 4G ou 5G, brancher son GPS, ou encore connecter son ordinateur via Bluetooth à un capteur portable... autant de formes de communication sans fil qui utilisent des bandes de fréquences différentes. Pour être multitâches, les objets connectés doivent pouvoir fonctionner sur toute une gamme de fréquences, sans pour autant s’encombrer de dispositifs volumineux.
Actuellement, la plupart des systèmes portables et sans fil sont dotés de circuits capables de se reconfigurer, et de moduler l’antenne pour transmettre et recevoir des données dans les différentes bandes de fréquence. Seul problème: ces technologies en silicium ou en métal ne sont pas bien adaptées aux hautes fréquences, là où l’information pourrait circuler de manière bien plus rapide.
A l’EPFL, les chercheurs ont fabriqué un dispositif en graphène modulable, qui permet aux circuits de fonctionner aussi bien à de basses qu’à de très hautes fréquences, avec une efficacité jamais égalée. Leur travail est publié dans Nanoletters .
Développé au sein du Laboratoire des dispositifs nanoélectroniques, le nouveau dispositif à base de graphène vise à remplacer un composant présent sur tous les objets de communication sans fil: les condensateurs modulables. Leur rôle consiste à faire «résonner» les circuits à différentes fréquences, afin qu’ils fonctionnent avec un maximum de bandes de fréquences. Pour l’instant, les condensateurs de type MEMS ou MOS ne parviennent à répondre simultanément aux demandes de performance en haute fréquence, miniaturisation et une modulation à faible consommation.
Les chercheurs de l’EPFL ont réussi à surpasser ces obstacles en fabriquant un condensateur à base de graphène, compatible avec les circuits traditionnels. Le dispositif consomme très peu d’énergie, et obtient, au-delà de 2,1 GHz, des performances bien supérieures à celles de ses concurrents, tout en étant miniaturisé. «Avec un système classique MEMS, la surface devrait être mille fois supérieure pour obtenir la même valeur de capacité», illustre Clara Moldovan.
Comment ça marche ?
La prouesse des chercheurs repose sur une astucieuse construction «en sandwich», qui permet de tirer le meilleur du graphène. «Lorsqu’il a été découvert il y a plus de 10 ans, le graphène a suscité l’engouement. Très bon conducteur électrique et thermique, flexible, léger, transparent et résistant, il était considéré comme un matériau miracle. Mais on s’est rendu compte qu’il était difficile de l’implanter dans des systèmes électroniques, à cause de sa haute résistance effective due à son épaisseur atomique, explique Clara Moldovan.
La nouvelle structure exploite le fait qu’un gaz bidimensionnel d’électrons dans un puits quantique peut se comporter comme une capacité quantique, exploitant essentiellement le principe de Pauli qui demande une certaine énergie pour remplir un puits quantique avec des électrons. Ce phénomène de capacité quantique est relativement facile à mesurer dans une couche monoatomique de graphène, et est modulable en variant la densité de charge dans du graphène avec la tension.
«En appliquant une tension, nous pouvons «régler» notre condensateur sur une fréquence donnée, exactement comme on règle un poste de radio pour capter différentes chaînes», explique Clara Moldovan, première auteure de la publication.
Des avantages nombreux
Large et long de quelques centaines de micromètres (env. 0,05 cm), le nouveau dispositif peut être rigide ou flexible, hautement miniaturisable, et consomme très peu d’énergie. Les applications sont donc nombreuses. En plus d’améliorer la transmission des données entre appareils connectés, il permettrait d’allonger la durée de vie des batteries, et de fabriquer des appareils plus compacts. Composé d’un matériau flexible, le dispositif est également le candidat idéal pour être inséré dans des capteurs placés dans les vêtements, ou directement sur le corps humain. «Nos résultats sont une confirmation que le graphène a réellement la possibilité de révolutionner le futur des sans fil», estime la chercheuse.
La technologie résultante sera une de type hybride, permettant de combiner le graphène avec la technologie silicium avancée. «Contrairement à ceux qui ont affirmé que le graphène est une future technologie de remplacement du silicium, en réalité on exploite toute sa valeur en électronique si on le combine avec des blocs fonctionnels de silicium», conclut le directeur du Nanolab, Adrian Ionescu.