Des chercheurs de l’EPFL ont démontré que les molécules à la surface de gouttes d’eau de 100 nanomètres étaient étonnamment ordonnées. A température ambiante, ces dernières ont des interactions bien plus fortes qu’elles n’en ont à la surface de l’eau. Leur structure correspond à ce que l’on trouve habituellement à une température inférieure de 50°C. Cette recherche apporte un nouvel éclairage sur les phénomènes atmosphériques, biologiques, et même géologiques.
Les gouttes d’eau de taille nanométriques sont présentes partout, que ce soit dans l’air en tant que gouttelettes ou aérosols ; dans le corps humain sous forme de médicaments ; ou encore dans le sol, à l’intérieur des roches ou des gisements pétroliers. Le comportement de ces gouttes est défini par leur interaction avec leur milieu hydrophobe. Plus précisément, l’interaction intervient à la surface courbée des gouttes, dans une région sub-nanométrique qui entoure la petite poche d’eau. Des chercheurs de l’EPFL et de l’institut AMOLF aux Pays-Bas sont parvenus à observer cette région. Ils ont découvert que la surface des gouttes était étonnamment ordonnée. Leurs résultats surprenants sont publiés dans Nature Communications.
Une perspective unique sur de minuscules gouttes d’eau
A l’EPFL, Sylvie Roke, du Laboratoire de biophotonique fondamentale-Chaire Julia Jacobi de photomédecine , a mis au point une méthode unique pour scruter la surface de gouttes d’eau, dont la taille est équivalente à un millième de cheveu, avec un volume d’un attolitre, soit 18 zéros après la virgule. «La méthode consiste à envoyer des lasers pulsés ultra-courts dans un mélange de gouttes d’eau formées dans de l’huile. Il s’agit ensuite de détecter les photons qui émanent uniquement de l’interface des gouttes», explique Sylvie Roke. «Ces photons ont la fréquence somme des photons envoyés à cet endroit, et présentent donc une couleur différente. Grâce à cette nouvelle couleur, nous pouvons connaître la structure de l’interface seule.»
Des liens hydrogène aussi forts que dans la glace
Résultat : la surface des gouttes d’eau est bien plus ordonnée que celle de l’eau à plus large échelle, et est comparable à celle de l’eau «surfusionnée», c’est-à-dire de l’eau sous forme liquide en dessous de 0°C, où les molécules d’eau ont des liens hydrogène très forts. Dans la glace, ces interactions mènent à la création d’une géométrie tétraédrique, entourant chaque molécule d’eau. De façon étonnante, ce type de structure a été trouvé à la surface des gouttes, même à température ambiante, alors qu’il était attendu de la trouver seulement à des températures plus froides de 50°C.
Des procédés chimiques
Cette recherche fournit des informations importantes quant aux propriétés des gouttelettes nanométriques. «Les propriétés chimiques de ces gouttes dépendent de la façon dont les molécules d’eau s’organisent à leur surface, il est donc essentiel de comprendre ce qui s’y passe», explique Sylvie Roke. Des recherches ultérieures pourraient mener à une meilleure compréhension des propriétés de la surface des aérosols, en ajoutant par exemple du sel aux gouttes, ce qui pourrait soit renforcer le réseau des molécules d’eau, ou diminuer sa force. «Ou alors cela ne pourrait rien donner du tout. Etant donné les résultats étonnants trouvés ici, on ne peut que spéculer», conclut Sylvie Roke.
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Article publié dans Nature communications : The interfacial structure of water droplets in a hydrophobic liquid