Ils détectent un court-circuit en remontant le temps

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Ils détectent un court-circuit en remontant le temps

A l’aide d’un seul capteur et d’un ordinateur, des chercheurs de l’EPFL sont parvenus à détecter et localiser en moins de trois minutes l’emplacement d’un court-circuit créé intentionnellement dans le réseau électrique du canton de Fribourg. La technique consiste à «remonter le temps» pour retrouver l’origine du défaut. Elle est plus que prometteuse pour gérer les réseaux complexes. En particulier ceux qui intègrent les énergies renouvelables.

Le Groupe E a accepté de provoquer un court-circuit dans son propre réseau électrique, pour permettre à des chercheurs de l’EPFL de tester une technologie inédite : localiser une perturbation dans un réseau, par une technique de retournement temporel. La méthode ne requiert qu’un seul capteur, couplé à un algorithme. Elle est donc potentiellement moins chère et plus efficace que les systèmes actuels.

Les tests ont été réalisés au poste de haute tension de Cressier (Fribourg). A l’intérieur du bâtiment, une équipe de scientifiques de l’Ecole a connecté son ordinateur à un capteur, préalablement placé sur un point spécifique du réseau. Une fois la connection établie, des techniciens du Groupe E ont provoqué sur le terrain un court-circuit (défaut terre), en un point tenu secret d’un tronçon de près de 12 kilomètres de lignes. Grâce à leur algorithme, les chercheurs de l’EPFL sont parvenus à localiser parfaitement l’endroit exact de la source de la perturbation, en moins de trois minutes. Ils ont même pu désigner laquelle des trois phases de la ligne avait été affectée. «C’est la première fois que nous pouvions tester notre technologie sur un réseau de taille réelle, qui inclut des tronçons aériens et enterrés. Les résultats sont inespérés», commente Farhad Rachidi, scientifique de l’EPFL qui co-dirige le projet avec son collègue, Mario Paolone.

Retour vers le futur
Derrière cette performance, on trouve le principe de la réversibilité du temps, des équations qui régissent les ondes électromagnétiques. Le processus se déroule en plusieurs étapes. Lorsque le court-circuit se produit, une onde est générée le long des lignes, et elle se propage dans le réseau, ricochant de toutes parts sur les autres lignes, et provoquant des échos. Lorsque ces ondes atteignent le capteur de l’EPFL, l’algorithme procède à une analyse, puis réinjecte les ondes en sens inverse dans une simulation informatique du réseau, recomposant ainsi le parcours aller, jusqu?à ce que les ondes convergent vers la source de la perturbation. «Chacun des échos que nous recevons est une source d’information», explique Mario Paolone. «Ainsi, plus le réseau est complexe et inhomogène, et mieux notre algorithme fonctionne», continue Farhad Rachidi.

Un court-circuit par semaine
La technique est très prometteuse et a été brevetée. Elle suscite l’intérêt tant du Groupe E que des industriels. En cas de court-circuit, il est en effet très important d’agir de manière rapide, afin d’éviter les pannes en cascade et les coupures de courant prolongées. Les compagnies d’électricité doivent se rendre directement sur place pour réparer le câble endommagé par la foudre, le gel ou pour remplacer un élément défectueux. Ces pannes sont courantes. On en compte jusqu?à une par semaine rien que pour le réseau du Groupe E de Fribourg.

Actuellement, le réseau est surveillé par plusieurs capteurs qui sont installés aux endroits stratégiques du réseau moyenne tension. «Lorsqu’un défaut survient, nous pouvons le localiser rapidement pour autant que des détecteurs soient installés en suffisance à cet endroit. Dans le cas contraire, nous procédons en déclenchant et réalimentant des portions de réseau, jusqu‘à trouver l’endroit incriminé. Cela peut prendre du temps jusqu’à la délimitation exacte du tronçon en défaut», témoigne Frédéric Richoz, collaborateur au Groupe E.

La technique de l’EPFL, quant à elle, permet de sécuriser le réseau à partir d’un seul point de mesure. Mieux encore, plus le réseau est complexe, et mieux elle fonctionne. Elle est donc potentiellement compatible avec des réseaux de grande taille, intégrant des énergies renouvelables. «La technologie fonctionnera même mieux dans un réseau actif-passif, qui intègre l‘énergie fournie par les particuliers ’via des panneaux solaires par exemple-, ce que les capteurs classiques actuels ne peuvent pas faire», explique Reza Razzaghi, chercheur au Laboratoire des systèmes électriques distribués de l’EPFL. «Nous travaillons actuellement sur l’algorithme pour arriver à localiser le défaut encore plus rapidement, en l’espace de quelques secondes», ajoute Zhaoyang Wang, doctorant au Laboratoire de compatibilité électromagnétique de l’EPFL.

La nouvelle technologie est le fruit d’un travail entre le Laboratoire de systèmes électriques distribués et le Laboratoire de compatibilité électromagnétique de l’EPFL. Elle est décrite par les chercheurs dans un ouvrage qui vient de paraître, intitulé Electromagnetic Time Reversal: Application to EMC and Power Systems .