Soins médicaux, absentéisme, mortalité, la grippe est un enjeu majeur de santé publique. Des chercheurs suisses, notamment de l’Université de Genève (UNIGE), et italiens ont mis sur pied le volet suisse de grippenet.ch, une initiative européenne de surveillance participative de la grippe nommée Influenzanet, fondée sur la participation citoyenne volontaire. Les premiers résultats, tirés directement des données des patients et non plus par le filtre des praticiens, montrent que ce nouveau système pourrait s’avérer plus rapide et plus flexible que le système d’évaluation épidémiologique en place depuis 1986. Instrument supplémentaire pour l’alerte précoce et le suivi des épidémies, il permet également aux scientifiques de mieux comprendre le fonctionnement et la transmission du virus.
Chaque année, la grippe entraîne entre 112’000 et 275’000 consultations médicales en Suisse, avec une surmortalité observée chez les personnes âgées, et des surcoûts pour le système de soins estimé à 97 millions de francs, auxquels s’ajoutent les coûts liés à l’absentéisme qui avoisinent les 200 millions de francs. C’est pourquoi un projet basé sur la surveillance de cette pathologie en Suisse, grâce à l’action des citoyens eux-mêmes, a été mis en place en décembre 2016. Fondé sur la plateforme européenne Influenzanet, lancée en 2003 aux Pays-Bas et en Belgique, grippenet.ch a été adapté, implémenté et lancé en Suisse par l’Institut de santé globale de la Faculté de médecine de l’UNIGE, le laboratoire d’épidémiologie computationnelle (ISI, Turin), les sciences sociales computationnelles (ETH, Zürich), le laboratoire d’épidémiologie digitale (EPFL, Lausanne) et le centre national de référence de l’influenza (HUG, Genève).
«Le principe est simple, tout volontaire peut s’inscrire gratuitement et anonymement sur le site de grippenet.ch, puis il lui est proposé de répondre à un court questionnaire qui lui est transmis chaque semaine pour savoir s’il a souffert de de symptômes qui pourraient s’apparenter à la grippe», détaille Aude Richard, médecin et coordinatrice grippenet à l’Institut de Santé Globale de la Faculté de médecine de l’UNIGE. Pendant l’hiver 2016-2017, 342 personnes résidant en Suisse se sont prêtées à l’exercice, renseignant les chercheurs sur la présence ou l’absence de symptômes grippaux pour eux-mêmes et pour les personnes présentes dans leur foyer, et ce tout au long de l’épidémie.
Le site internet est aussi une plateforme éducative et informative. «Plus les gens sont informés, mieux ils peuvent se protéger», explique Dirk Helbing, professeur de sciences sociales computationnelles à l’ETH Zurich. Je pense, par exemple, à des mesures comme la vaccination, l’hygiène des mains et la réduction des contacts avec des groupes de personnes. » Les participants peuvent consulter une carte de la Suisse indiquant les niveaux de grippe déclarés dans les différents cantons. Ils peuvent également accéder à plus d’informations sur la grippe et les mesures préventives. «Notre but final est de créer un outil qui donne aux gens des informations précises sur leur exposition à la grippe afin qu’ils puissent prendre des mesures pour se protéger et éviter de transmettre la grippe aux autres», explique Olivia Woolley, coordinatrice grippenet à l’ETH de Zurich.
Grippenet.ch, un complément au système Sentinella
Un système d’évaluation épidémiologique de la grippe saisonnière, nommé Sentinella, existe déjà depuis 1986. Basé sur les déclarations hebdomadaires des affections grippales transmises par les médecins, il offre une description en continu des virus grippaux circulant en Suisse. Le système de déclaration Sentinella œuvre dans le cadre de la surveillance des maladies transmissibles aiguës et sert à la recherche en médecine générale. Depuis sa mise en place, 150 à 250 médecins généralistes participent de façon volontaire au système Sentinella.
Dès lors, pourquoi avoir mis grippenet.ch en place - «Contrairement au réseau Sentinella, alimenté par des médecins praticiens, grippenet.ch obtient ses données directement de la population, explique Antoine Flahault, directeur de l’institut de Santé Globale de la Faculté de médecine de l’UNIGE. Il en résulte un système de surveillance qui pourrait s’avérer plus rapide et plus flexible que Sentinella, et qui permet aussi des comparaisons internationales directes de l’évolution des épidémies grâce à sa compatibilité avec d’autres pays européens.» De plus, toutes les personnes grippées ne consultent pas un médecin, c’est pourquoi grippenet.ch est complémentaire de Sentinella. «La comparaison des deux systèmes nous offre aussi des résultats importants pour la planification et la priorisation de la réponse de santé publique, en nous permettant par exemple d’estimer le pourcentage de personnes qui ne consultent pas de médecin en cas de symptômes grippaux», ajoute Antoine Flahault.
Un système précurseur
Les informations récoltées par grippenet.ch sont aujourd’hui une nouvelle source de recherche sur la transmission de la grippe et ses facteurs de risque, grâce aux données démographiques et de localisation qui permettent d’identifier les facteurs et les lieux de démarrage de l’épidémie. «A terme, notre espoir est de mieux prévenir les dégâts qu’entraîne l’épidémie et de mieux en contrôler l’évolution aussi», s’enthousiasme Antoine Flahault. De plus, ce système précurseur pourrait être étendu à la surveillance d’autres maladies, y compris des maladies émergentes, de façon plus sensible que le système actuel, et permettrait une action également plus précoce pour les endiguer.
Si vous souhaitez participer au projet grippenet.ch, vous pouvez vous inscrire ici.