Le mathématicien de l’EPFL Alfio Quarteroni et son équipe construisent un modèle de coeur virtuel qui pourrait un jour aider les cardiologues et les chirurgiens du coeur à diagnostiquer des états pathologiques, fondés sur des images médicales personnalisées, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des interventions invasives.
Il est possible qu’un jour, une version virtuelle de votre propre coeur en train de pomper votre sang aide les médecins à diagnostiquer une maladie de coeur, et à établir le meilleur traitement pour votre cas â?- sans qu’il soit nécessaire de pratiquer une intervention chirurgicale ou d’autres gestes cliniques invasifs. C’est précisément le but du mathématicien de l’EPFL Alfio Quarteroni, qui conçoit des outils mathématiques pour simuler la fonction cardiaque avec une précision croissante, et pouvant être individualisés pour votre propre coeur sur la base d’images par IRM. Il vient d’ajouter à son modèle complet de coeur en fonctionnement le comportement d’une valve aortique spécifique au patient. Les résultats sont publiés le 7 juin dans Biomechanics and Modeling in Mecanobiology.
Un coeur virtuel personnalisé pour prévenir la maladie cardiovasculaire
Le coeur humain est un organe extraordinairement complexe, qui pompe quelque 180 millions de litres de sang au cours d’une vie humaine, un volume supérieur à 7 piscines olympiques. Il fait en sorte que du sang oxygéné parvienne dans tout le corps. Si des problèmes surviennent, cela peut conduire à des dysfonctionnements, à la maladie et à la mort. Les maladies cardiaques causent 40% des décès aux Etats-Unis, et on en estime le coût à 196 milliards de dollars par année, alors même que l’on peut prévenir les maladies cardiaques acquises et les attaques.
Avec l’aide d’un coeur virtuel personnalisé, Quarteroni vise à offrir une description mathématique détaillée du coeur d’un patient et de la manière dont il fonctionne â?- ou dysfonctionne â?’, afin de prévenir ou de traiter une maladie cardiaque.
Le coeur de chaque personne est unique, aussi une description mathématique doit-elle modéliser fidèlement et d’une manière individualisée la manière dont le coeur travaille. Toutefois, simuler la fonction cardiaque en termes mathématiquement rationnels n’est pas une tâche facile; cela exige de grandes quantités de données spécifiques au patient, et de la puissance informatique pour résoudre des équations complexes. Grâce à des ordinateurs de plus en plus puissants, la création d’un coeur virtuel réaliste devient une réalité.
Comment construire une valve aortique virtuelle
Si l’on veut construire un coeur virtuel complet et fonctionnel, on ne peut pas négliger la valve aortique. Quarteroni et son équipe ont modélisé la manière dont le sang s’écoule de l’intérieur du coeur vers l’aorte, en tenant compte des formes et des propriétés complexes de ces membranes physiologiques, les feuillets valvulaires.
â‘Une description mathématique de la valve aortique et son interaction avec le flux sanguin existe dans la littérature, mais pas à ce niveau de détail pour un patient spécifiqueâ’, dit Quarteroni.
A partir des images IRM d’un patient, les chercheurs reconstruisent la forme de l’aorte, sous la forme d’un maillage informatique 3D. Au moyen d’outils mathématiques adéquats pour caractériser la mécanique de la valve, ils ont décrit le mouvement de trois feuillets en forme de triangle qui constituent la valve aortique. Pour déterminer comment le sang circule dans ces cavités, ils ont résolu approximativement puis numériquement les équations mathématiques (Navier-Stokes) qui décrivent la dynamique des fluides visqueux, en les adaptant à la géométrie spécifique d’un patient donné. Même avec ce travail préliminaire, il est relativement aisé de personnaliser le modèle pour un autre patient à partir d’une nouvelle série d’image IRM.
Dans le cadre d’un projet européen nommé iHeart, la vision à long terme de Quarteroni est de construire des modèles virtuels du système cardio-vasculaire spécifique d’un patient donné, y compris le coeur, les vaisseaux sanguins et les quelque 5 de sang circulant dans tout le corps.
â?Si le projet réussit, iHeart aidera les cliniciens à gérer des questions importantes de manière efficace, aussi bien dans le diagnostic que dans le traitement, ce qui aura un impact social énormeâ’, dit Quarteroni. â‘Cela offrira un environnement de recherche unique et entièrement nouveau pour explorer le coeur avec un microscope mathématique extrêmement puissant et non-invasif, qui rendra possible la simulation des maladies cardiaques, comme la sténose de la carotide et les anévrismes qui peuvent affecter le coeur, l’abdomen, le cerveau et d’autres parties du corpsâ’.
Selon Quarteroni, un modèle cardiaque virtuel personnalisé pourrait être disponible cliniquement dans moins d’une décennie. Des prototypes antérieurs du modèle virtuel peuvent être développés et testés plus rapidement, peut-être à un horizon de cinq ans. Néanmoins, cela exigera des investissements significatifs dans le développement d’outils mathématiques et numériques rigoureux pour simuler la fonction cardiaque adaptée à un patient spécifique.