Chasser des molécules pour trouver des planètes

La planète devient visible lorsqu’on cherche de l’eau (H2O) ou du CO
La planète devient visible lorsqu’on cherche de l’eau (H2O) ou du CO. En revanche, comme elle ne possède ni CH4 ni NH3, elle reste invisible, tout comme l’étoile qui ne possède aucun des quatre éléments mentionnés.© UNIGE

Une équipe internationale d’astronomes dirigée par l’UNIGE rend les planètes visibles grâce à la détection des molécules qui se trouvent à leur surface.

Chaque exoplanète tourne autour d’une étoile, à l’image de la Terre autour du Soleil. C’est pourquoi il est généralement impossible d’obtenir des images d’une exoplanète, tant la lumière de son étoile est éblouissante. Une équipe d’astronomes, dirigée par un chercheur de l’Université de Genève (UNIGE) et membre du NCCR PlanetS, a cependant eu l’idée de détecter certaines molécules présentes à la surface de la planète afin de la rendre visible, à condition que ces mêmes molécules soient absentes de son l’étoile. Grâce à cette technique révolutionnaire, les appareils ne détectent plus que les molécules choisies, rendant l’étoile invisible et permettant aux astronomes d’observer directement la planète. Des résultats à lire dans la revue Astronomy&As­trophysics.

Jusqu’à présent, les astronomes ne pouvaient que très rarement observer directement les exoplanètes qu’ils découvraient, masquées par la puissance lumineuse de leur étoile. Seules quelques planètes très éloignées de leur étoile hôte ont pu être distinguées sur une photographie, notamment grâce à l’instrument SPHERE installé sur le Very Large Telescope (VLT) au Chili. Jens Hoeijmakers, chercheur au Département d’astronomie de l’Observatoire de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du NCCR PlanetS, s’est alors demandé s’il serait possible de tracer la composition moléculaire des planètes. «En se focalisant sur des molécules présentes uniquement sur l’exoplanète étudiée et absentes de son étoile de référence, nos appareils parviendraient à «effacer» l’étoile pour ne révéler que l’exoplanète», explique-t-il.

Effacer l’étoile grâce aux spectres moléculaires

Pour tester cette nouvelle technique, Jens Hoeijmakers et une équipe internationale d’astronomes ont utilisé des images d’archives prises par l’instrument SINFONI autour de l’étoile beta pictoris, connue pour sa planète géante, beta pictoris b. Chaque pixel de ces images contient le spectre de la lumière reçue par ce pixel. Les astronomes combinent ensuite le spectre contenu dans le pixel avec un spectre correspondant à une molécule donnée, de la vapeur d’eau par exemple, pour voir s’il y a corrélation. S’il y a effectivement corrélation, cela signifie que la molécule est présente à la surface de la planète.

En appliquant cette technique à beta pictoris b, Jens Hoeijmakers constate que la planète devient parfaitement visible lorsqu’il cherche de l’eau (H2O) ou du monoxyde de carbone (CO). En revanche, lorsqu’il applique sa technique aux molécules de méthane (CH4) et d’ammoniac (NH3), la planète demeure invisible, suggérant l’absence de ces molécules à la surface de beta pictoris b.

Les molécules, nouveau thermomètre de planètes

L’étoile beta pictoris, quant à elle, reste invisible dans les quatre situations. En effet, cette étoile est extrêmement chaude et cette température élevée détruit directement les quatre molécules étudiées. «C’est pourquoi cette technique nous permet non seulement de détecter des éléments à la surface de la planète, mais également de fixer les limites supérieures et inférieures de la température qui y règne» explique l’astronome de l’UNIGE. Le fait que les astronomes n’arrivent pas à rendre visible beta pictoris b à l’aide des spectres de méthane et d’ammoniac est dès lors cohérent avec la température estimée à 1700 degrés pour cette planète, une température trop élevée pour que ces molécules existent.

«Cette technique en est seulement à ses débuts, s’enthousiasme Jens Hoeijmakers. Elle devrait révolutionner la manière de caractériser les planètes et leurs atmosphères. Nous sommes très impatients de voir ce qu’elle donnera sur les futurs spectrographes comme ERIS sur le Very Large Telescope au Chili ou HARMONI sur l’Extremely Large Telescope qui sera inauguré en 2025, également au Chili», conclut-il.

19 juin 2018