Comment maximiser ses chances de trouver des extraterrestres

- EN- FR
 (Image: Pixabay CC0)
(Image: Pixabay CC0)
Un chercheur de l’EPFL propose une approche inédite pour mieux cibler la recherche d’éventuelles intelligences extraterrestres dans notre galaxie. Basée sur la théorie des probabilités, elle permet de connaître le pourcentage de possibilités de capter un signal - pour autant qu’il existe - à une distance donnée de la Terre.


Comment savoir si une autre planète de notre galaxie abrite une société technologique similaire à la nôtre? Un chercheur de l’EPFL a développé, en collaboration avec l’Université de Californie à Berkeley*, un modèle statistique qui pourrait donner un nouveau souffle à la recherche d’un signal qu’une telle communauté extraterrestre pourrait émettre, en la rendant plus efficace et moins coûteuse. Son travail fait l’objet d’une publication aujourd’hui dans la revue PNAS.

Au départ, Claudio Grimaldi n’était pas du tout dans le domaine. Lui, son truc, c’est la physique de la matière condensée. Chercheur au Laboratoire de physique de la matière complexe de l’EPFL, c’est en calculant les probabilités que les nanotubes de carbone puissent échanger des électrons que l’idée lui est venue: si les nanotubes étaient des étoiles, et les électrons des émissions extraterrestres? Pourrait-on alors calculer plus précisément les chances d’en détecter?

La question n’est pas anodine. Elle mobilise la communauté scientifique depuis près de soixante ans. Dès la fin des années 1950, de nombreux projets visant la recherche d’une intelligence extraterrestre - appelée SETI, pour Search for Extra-Terrestrial Intelligence - ont été mis sur pied, essentiellement du côté des États-Unis. Partant du postulat qu’une civilisation avancée produirait des signaux électromagnétiques, les chercheurs ont successivement utilisé les radiotélescopes les plus performants du moment.

Regain d’intérêt

Malgré les progrès de la radioastronomie et l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs, aucun de ces projets n’a jamais abouti. Des signaux dont l’origine n’as pas pu être identifiée ont bien parfois été enregistrés, comme le signal «Wow» en 1977, mais aucun ne s’est répété ni n’a paru suffisamment crédible pour être attribué à des extraterrestres.

Les recherches ne s’arrêtent pas pour autant. Elles connaissent même actuellement un fort regain d’intérêt avec la découverte de très nombreuses exoplanètes gravitant autour des milliards de soleils que compte la galaxie. De nouvelles installations, comme le Square Kilometre Array , un radiotélescope géant en construction en Afrique du Sud et Australie, qui comptera une surface collectrice d’un kilomètre carré, ouvre également des perspectives inédites. Récemment, l’entrepreneur russe Yuri Milner a encore annoncé le lancement d’un programme extrêmement ambitieux, dans lequel il a décidé d’investir 100 millions de dollars sur 10 ans. Intitulé Breakthrough Listen , il prévoit de couvrir 10 fois plus d’espace que toutes les recherches menées jusque-là, ceci dans une gamme de fréquences bien plus large.

«Toutefois, élargir les recherches à ces échelles n’offre en fait que peu de chances supplémentaires de trouver quelque chose, et si l’on ne capte pas de signal, cela ne permettra pas de dire avec beaucoup plus de certitude qu’il n’y a rien», commente Claudio Grimaldi.

Encore une belle marge

L’avantage du modèle statistique proposé par ce scientifique est qu’il permet d’interpréter la détection aussi bien que la non-détection d’un signal à différentes distances de la Terre. En utilisant le théorème de Bayes, il offre une manière de calculer et de connaître ainsi les chances encore à disposition de pouvoir capter, dans un rayon donné autour de notre planète, un signal émis par une source de puissance au moins égale au plus efficace de nos émetteurs radar.

Par exemple, si aucun signal n’est perçu dans un cercle de 1’000 années-lumière autour de nous, cela laisse encore plus de 10% de possibilités que la Terre se trouve tout de même dans le champ de diffusion de centaines de signaux provenant de toute la galaxie, mais que ceux-ci soient si faibles qu’ils ne pourraient être captés que si nous avions des télescopes bien plus puissants. En revanche, si un seul signal est détecté dans ce même rayon, les chances montent à près de 100%. Autrement dit, nous aurions alors la quasi-certitude que la Voie lactée regorge d’extraterrestres.

En tenant compte de différents paramètres, tels que la taille de la galaxie et la densité du nombre d’étoiles, le chercheur a pu estimer que ce n’était qu’à 40’000 années-lumière que les chances deviennent minces, c’est-à-dire qu’en absence de toute transmission extraterrestre à cette limite-ci, on pourrait alors décemment en déduire qu’il n’existe aucune autre civilisation technologique détectable dans la galaxie. Or, les recherches menées jusque-là - et les technologies à disposition - ont permis de sonder des zones comprises dans un cercle de «seulement» 40 années-lumière.

Il reste donc encore de la marge. Ce d’autant plus que ces méthodes de recherche ne tiennent pas compte de toutes les planètes où la vie se serait développée mais à un stade encore primordial, ni de celles où des sociétés auraient atteint des stades complexes et avancés sans pour autant avoir pris un tournant technologique.

References

"Bayesian Approach to SETI," Claudio Grimaldi, EPFL, and Geoffrey W. Marcy, University of California, Berkeley. PNAS, October 1st, 2018.