Des plantes qui jouent avec leur croissance pour une place au soleil

A gauche: plantule normale. A droite: plantule (mutant pgm) qui ne peut pas fair
A gauche: plantule normale. A droite: plantule (mutant pgm) qui ne peut pas faire d’amidon. La tige de la plantule de droit est beaucoup plus longue que celle de la plantule de gauche (Image: Gavin George)
Les plantes se livrent une compétition acharnée pour optimiser leur accès à la lumière. Lorsque la densité végétale est forte, plusieurs stratégies sont mises en place. Parmi elles, la réallocation des ressources qui permet à la plante de booster la croissance de sa tige et de rapprocher ainsi ses feuilles de l’énergie du soleil. Ce processus est au coeur de l’étude publiée le 1er octobre 2018 dans la revue ‘PNAS’ par l’équipe du Prof. Christian Fankhauser au Centre intégratif de génomique de l’UNIL.

A gauche: plantule normale. A droite: plantule (mutant pgm) qui ne peut pas faire d’amidon. La tige de la plantule de droit est beaucoup plus longue que celle de la plantule de gauche - Gavin George

Des sucres sont fabriqués grâce à l’énergie solaire

Les plantes ont la capacité de fabriquer des sucres en utilisant du CO2, de l’eau et de l’énergie solaire par le processus de la photosynthèse. Ces sucres alimentent leur métabolisme, leur permettent de croître et nous procurent directement (végétaux) ou indirectement (viande) notre propre alimentation. La photosynthèse se fait principalement dans les feuilles, mais les sucres fabriqués dans les feuilles doivent alimenter toute la plante, y compris les tiges et les racines.

Lorsque la densité végétale est forte, les plantes entrent en compétition pour la lumière, une situation stressante car l’accès à l’énergie du soleil est menacé. Dans cette situation, la majorité des espèces végétales change son architecture afin d’optimiser l’accès des feuilles au soleil. Cela se traduit en général par une élongation des tiges.

Les tiges ne font que peu ou pas de photosynthèse

Dans l’étude qui fait aujourd’hui l’objet d’une publication dans la revue PNAS , le Prof. Christian Fankhauser et son équipe au Centre intégratif de génomique de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL ont voulu comprendre comment, lors d’une compétition pour la lumière, la plante réalloue les sucres en provenance des feuilles aux tiges qui doivent pousser et qui ne font pas ou peu de photosynthèse.

Les chercheurs ont étudié cette question chez les plantes Arabidopsis thaliana , l’Arabaette des dames, et Brassica rapa , un cousin du navet, en collaboration avec le groupe du Prof. Samuel Zeeman de l’ETH à Zürich et le SIB Institut suisse de bio-informatique. ’Dans un premier temps, nous avons observé que, très rapidement après la perception de signaux indiquant aux plantes la présence de voisines compétitrices, une proportion beaucoup plus grande des sucres fixés dans les feuilles était transportée vers les tiges. Nous avons, dans un deuxième temps, démontré que le transport des sucres des feuilles vers la tige était essentiel à l’accélération de la croissance de cette dernière’, détaille le Prof. Christian Fankhauser qui a mené l’étude soutenue en partie par SystemsX.ch.

L’amidon, élément-clé de la croissance

Une fois parvenus dans la tige, ces sucres sont rapidement métabolisés pour former tous les composants nécessaires à la croissance, y compris des protéines, lipides et sucres complexes qui forment la paroi végétale. ’Nos résultats indiquent en outre que les sucres sont stockés dans la tige de façon transitoire sous forme d’amidon ; la capacité de la plante à synthétiser puis à dégrader cet amidon constitue un mécanisme qui contrôle la croissance de la tige. Notre étude met ainsi en lumière un lien insoupçonné entre le métabolisme de l’amidon et la croissance chez la plante’, commente le professeur.

Vers des applications potentielles en agriculture

L’étude des biologistes a permis d’identifier de nouveaux mécanismes qui contrôlent l’allocation des ressources chez les plantes. Ces mécanismes sont importants pour comprendre comment les plantes adaptent leur croissance dans des conditions de compétition pour la lumière. ’Ces conditions de forte densité végétale sont courantes en agriculture, où nous devons optimiser l’utilisation des bonnes terres. Comme, en général, nous ne mangeons pas toute la plante, mieux comprendre comment les plantes allouent leurs ressources à leurs différents organes pourrait avoir des applications dans le futur’, projette le Prof. Christian Fankhauser.