De nouvelles données concernant les eaux souterraines dans le nord du Tchad constituent un pas fondamental vers une gestion durable de l’or bleu dans les régions arides. Une recherche de l’Université de Neuchâtel apporte des indications précieuses sur l’origine et l’alimentation en eau des oasis du Sahara.
Aujourd’hui, le Sahara se caractérise par son aridité. La présence même des oasis semble surprenante. Rien ne laisse penser que sous cette étendue de sable, il existe pourtant de grandes réserves d’eau douce. ’C’est oublier qu’à des époques situées entre 50’000 et 4’000 ans avant nous, soit entre le Pléistocène et l’Holocène, le Sahara était vert et recouvert de lacs de grandes dimensions’, rappelle Marie-Louise Vogt du Centre d’hydrogéologie et de géothermie de l’Université de Neuchâtel.
Le climat étant plus favorable, il a permis l’accumulation d’immenses réserves d’eaux dites ’fossiles’. Ainsi en est-il du sous-bassin de Kufra situé entre la Libye et le Tchad. Il contient à lui seul un volume d’eau douce équivalant à une hauteur de 600 m d’eau sur toute la surface de la Suisse. Ce réservoir lui-même fait partie du grand bassin sédimentaire régional s’étendant entre la Libye, l’Egypte, le Soudan et le Tchad. Connu sous le nom d’Aquifère des Grès de Nubie, il a lui aussi bénéficié d’une recharge importante au cours de la période verdoyante du Sahara.
A cette réserve en eaux fossiles s’ajoutent des contributions en eaux dites ’modernes’, certes modestes, mais indispensables. ’La région montagneuse de l’Ennedi, d’une étendue comparable à la Suisse, reçoit une seule saison pluvieuse entre la mi-juin et la mi-septembre, détaille l’hydrogéologue. On compte normalement entre 3 à 10 averses, la plupart durant le mois d’août. Le taux maximal de pluie est de 100 mm par an, correspondant à ce qu’il pleut tous les mois en Suisse. Au-delà des régions montagneuses, les pluies sont insignifiantes. Il existe donc au Tchad une très petite fenêtre temporelle pendant laquelle la recharge peut s’opérer. Les averses provoquent des écoulements en surface alimentant les wadis, des cours d’eau temporaires typiques des milieux désertiques. Pour étudier ces processus météorologiques et hydrologiques, nous avons eu recours à des images satellites, ce qui est aussi une nouveauté pour cette région peu connue.’
Quant à l’étendue géographique de la recharge moderne, elle a pu être estimée par l’analyse chimique des échantillons et les ratios isotopiques des eaux prélevées durant les campagnes de terrain. Ces investigations ont permis à la chercheuse de mieux comprendre l’organisation des écoulements souterrains et l’influence de la recharge moderne sur l’aquifère régional dont dépend la présence des oasis. Les campagnes de terrain se sont déroulées dans le cadre du projet ’ResEau’, réalisé en partenariat avec le Ministère en charge de l’Eau au Tchad et la DDC (la Coopération suisse).