La bactérie du choléra utilise un appendice en forme de grappin pour absorber l’ADN, se lier à des surfaces nutritives et reconnaître les membres d’une "famille", ont découvert les scientifiques de l’EPFL. Cela nous permettra de mieux comprendre comment la bactérie qui cause le choléra s’adapte et survit dans son environnement naturel.
Les bactéries sont partout. Elles sont la forme de vie la plus abondante sur notre planète: examinez à peu près n’importe quelle surface, et il est probable qu’elle soit couverte de bactéries. Le milieu aquatique n’est pas différent. En effet, l’océan est rempli de petites particules et de débris, certains inertes, d’autres très nutritifs. Mais comment les bactéries différencient-elles ces surfaces, comment les retiennent-elles dans l’eau en mouvement et comment se reconnaissent-elles entre elles pour travailler ensemble ?
Prenez la bactérie du choléra, Vibrio cholerae, qui infecte l’intestin grêle, provoquant des diarrhées et une déshydratation sévère. Elle vit dans l’eau salée des mers, des océans et des estuaires, se fixant aux coquilles des crustacés. Ces exosquelettes sont composés d’un polymère sucré appelé chitine, une riche source de nourriture pour la bactérie du choléra qui lui permet de croître et de survivre dans l’environnement.
Pour cela, V. cholerae utilise un appendice "semblable à un grappin", explique David Adams, premierr auteur de cette étude. "Les bactéries peuvent ainsi jeter des sortes de longues cordes, s’accrocher à quelque chose et les ramener à elle.". Ces "cordes" sont en fait le produit de nanomachines très polyvalentes, connues sous le nom de pili de type IV, qui sont utilisées par de nombreuses espèces bactériennes pur la motilité, la détection des surfaces et l’adhérence, et même pour absorber l’ADN des bactéries voisines. Par conséquent, les pili de type IV sont considérés comme critiques pour la survie environnementale et la pathogenèse non seulement de V. cholerae, mais d’un large éventail de bactéries.
Au cours de la dernière décennie, le groupe de Melanie Blokesch a établi que V. cholerae produit ces pili servant à capter l’ADN seulement sur des surfaces chitineuses, et a montré qu’ils sont essentiels pour l’absorption d’ADN. Mais leur fonctionnement exact leurs autres capacités était jusqu’ici peu claires, et sont l’objet de ce travail publié dans Nature Microbiology.
Pour observer directement les pili capteurs d’ADN sur des bactéries V. cholerae vivantes, les chercheurs ont utilisé une technique appelée marquage à la cystéine. Avec cela, ils ont pu établir que, comme prévu, les pili sont très dynamiques, s’étendant et se rétractant pour absorber l’ADN. "C’est un jalon important", souligne la responsable du laboratoire Melanie Blokesch, "car même si nous avions établi il y a quelque temps que ces structures existaient, le fait de les voir se déplacer en temps réel était vraiment spécial."
L’élément le plus important a cepandant été observé quand les chercheurs sont intervenu sur le moteur de rétraction du pilus, révélant que ces cordes pourraient également interagir les unes avec les autres, et ce faisant, permettre aux cellules de se regrouper. Curieusement, différentes souches de V. cholerae produisent des variantes légèrement différentes de la sous-unité PilA, qui constitue la principale composante du pilus. Ceci crée de manière remarquable un ensemble d’interactions très spécifiques qui peuvent être utilisées comme identificateur entre les souches, en s’assurant qu’elles ne se regroupent qu’avec des éléments semblables.
Enfin, lorsque les chercheurs ont observé la croissance de V. cholerae dans des conditions réelles sur des surfaces de chitine, ils ont découvert que ces pili d’absorption d’ADN forment naturellement des réseaux denses de pili intéragissant entre eux. Ces pili se lient étroitement à la surface de la chitine et sont nécessaires pour que la bactérie reste attachée alors qu’elle se trouve dans l’eau. Ainsi, le pilus d’absorption de l’ADN est un outil multifonctionnel pour la colonisation de la surface de la chitine et la reconnaissance de ses pairs, et les résultats de ces travaux nous aideront à mieux comprendre comment la bactérie du choléra survit dans son environnement naturel. Des connaissances qui sont importantes pour mieux comprendre la transmission de la maladie à l’homme dans les régions endémiques du choléra.