Les emballages intelligents équipés de capteurs qui surveillent par exemple les aliments comme les légumes sur les longs trajets de transport sont une tendance d’avenir. Mais ce type d’"électronique jetable", imprimée en masse, pose aussi des problèmes : Les métaux contenus dans les encres d’impression sont chers - et leur élimination respectueuse de l’environnement est coûteuse et aggrave le problème des déchets électroniques. Une nouvelle solution développée par des chercheurs de l’Empa devrait permettre de remédier à ce problème.
Plus précis, plus rapide, moins cher : des chercheurs du monde entier travaillent depuis des années à la fabrication de circuits électroniques par des procédés additifs tels que l’impression robotisée en 3 ("Robocasting") - avec un grand succès, qui est toutefois devenu entre-temps un problème. Les particules de métal qui rendent ces "encres" conductrices d’électricité aggravent le problème des déchets électroniques. D’autant plus qu’au vu des nouveaux "capteurs à usage unique", dont certains ne sont utilisés que quelques jours, la masse devrait encore augmenter à l’avenir.
Un gaspillage inutile, selon Gustav Nyström, directeur du département "Cellulose & Wood Materials" de l’Empa : "Il y a un besoin urgent de matériaux qui établissent un équilibre entre performance électronique, coût et durabilité". Pour développer une encre respectueuse de l’environnement, l’équipe de Gustav Nyström s’est donc fixé des objectifs ambitieux : sans métal, non toxique, biodégradable. Et en vue d’applications pratiques : bonne malléabilité et stabilité à l’humidité et à une chaleur modérée.
Les chercheurs ont choisi du carbone bon marché comme matériau conducteur, comme ils l’ont récemment rapporté dans le magazine scientifique en ligne "scientific reports". Plus précisément : des plaquettes de graphite allongées, mélangées à de minuscules particules de suie, qui établissent le contact électrique entre ces plaquettes - le tout dans une matrice constituée d’un biomatériau bien connu : la gomme-laque, obtenue à partir des excréments de cochenilles. Autrefois utilisée pour la fabrication de disques, elle est aujourd’hui utilisée entre autres comme vernis pour les instruments en bois et les ongles. Ses avantages correspondent exactement au profil souhaité par les chercheurs de l’Empa. De plus, il est soluble dans l’alcool, un solvant bon marché qui s’évapore après l’application de l’encre pour la faire sécher.
Malgré ces ingrédients, la tâche s’est avérée exigeante. En effet, qu’il s’agisse d’une simple sérigraphie ou d’une impression 3D moderne, l’encre doit avoir un comportement de "dilution par cisaillement" : Au "repos", l’encre est plutôt visqueuse. Mais au moment de l’impression, lorsqu’elle est soumise à une "force de cisaillement" latérale, elle devient un peu plus liquide - comme une peinture murale qui ne coule pas et qui ne prend une consistance plus souple qu’au moment de l’application par la force du rouleau. Cependant, dans le cadre d’une utilisation en fabrication additive, comme l’impression 3D avec un bras robotisé, cela est particulièrement délicat : Une encre trop visqueuse serait trop dure - mais si elle devient trop liquide lors de l’impression, les composants solides pourraient se détacher et boucher la minuscule buse de l’imprimante.
Pour répondre à ces exigences, les chercheurs ont bricolé de manière intensive la recette de leur encre. Ils ont testé deux tailles de plaquettes de graphite : de 40 micromètres et de 7 à 10 micromètres de long. De nombreuses variantes ont également été nécessaires pour le rapport de mélange du graphite et du noir de carbone, car trop de noir de carbone rend le matériau cassant - avec le risque de fissures lors du séchage de l’encre. En optimisant la formulation et la composition relative des composants, l’équipe a pu développer plusieurs variantes de l’encre qui peuvent être utilisées dans différents procédés d’impression 2D et 3D.
"Le plus grand défi a été d’obtenir une conductivité électrique élevée", explique le chercheur impliqué Xavier Aeby, "tout en formant un réseau gélifié de carbone, de graphite et de gomme-laque". L’équipe a examiné en plusieurs étapes comment ce matériau se comportait dans la pratique. Par exemple, en utilisant un minuscule parallélépipède rectangle de test : 15 grilles superposées issues d’une imprimante 3D - composées de fins brins de seulement 0,4 millimètre de diamètre. Cela a montré que l’encre satisfaisait également à des procédés exigeants comme le robo-casting.
Afin de démontrer l’aptitude des composants réels, les chercheurs ont notamment construit un capteur de déformation : une fine bande de PET avec une structure d’encre imprimée, dont la résistance électrique changeait avec précision en cas de flexions plus ou moins importantes. En outre, des tests de résistance à la traction, de stabilité sous l’eau et d’autres propriétés ont donné des résultats prometteurs - et l’équipe de chercheurs est donc confiante dans le fait que ce nouveau matériau, déjà breveté, pourrait faire ses preuves dans la pratique. "Nous espérons que ce système d’encre pourra être utilisé pour des applications dans l’électronique imprimée durable", explique Gustav Nyström, "par exemple pour les pistes conductrices et les éléments de détection dans les emballages intelligents et les appareils biomédicaux ou dans le domaine de l’alimentation et des capteurs environnementaux".