Faciliter la récupération des traumatismes de longue durée

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Johannes Gräff. © 2021 EPFL / Alain Herzog
Johannes Gräff. © 2021 EPFL / Alain Herzog

Il est plus difficile de récupérer d’une expérience traumatisante ancienne que récente. Les scientifiques de l’EPFL commencent à en comprendre les raisons au niveau des circuits cérébraux. Les résultats suggèrent des approches thérapeutiques contre les traumatismes de longue durée.

Le cerveau gère les traumatismes de manière complexe. L’intuition voudrait que nous, humains, récupérions différemment des traumatismes si ces derniers sont anciens ou récents. Mais quelles preuves scientifiques avons nous quant à la manière dont le cerveau gère les souvenirs traumatiques à court terme et à long terme ?

Des scientifiques de l’EPFL ont identifié chez la souris des zones cérébrales spécifiques, qui se chargent de reprogrammer les expériences traumatiques vers plus de sécurité. Ces zones cérébrales sont effectivement différentes selon que le traumatisme est récent ou ancien. Les scientifiques ont découvert qu’elles pouvaient faciliter la dissolution de souvenirs traumatiques de longue durée en stimulant l’activité d’une région primitive du cerveau appelée nucleus reuniens. Les résultats sont publiés aujourd’hui dans Nature Neuroscience.

« Les souvenirs traumatiques sont si chargés émotionnellement qu’ils sont difficiles à "effacer" ou à dissoudre. Malgré cela, notre ignorance à propos des souvenirs traumatiques de longue durée est surprenante », explique Johannes Gräff, titulaire à l’EPFL de la Chaire Nestlé en neurosciences et principal auteur de l’étude. « Nos travaux sont les premiers où l’on étudie, au niveau des circuits cérébraux, l’extinction de la peur pour les souvenirs traumatiques de longue durée. »

En 2018, Johannes Gräff et son équipe avaient identifié les cellules du cerveau responsables de la reprogrammation des traumatismes de longue durée en sentiment de sécurité - également chez la souris. La même cellule activée pendant une expérience traumatique était aussi activée après la thérapie. Cela montrait que la cellule traumatisée elle-même s’était reprogrammée en sentiment de sécurité. L’expérience offrait de nouvelles perspectives quant à la manière dont le cerveau gère les traumatismes au niveau cellulaire.

Mais Johannes Gräff et son équipe voulaient comprendre comment les cellules cérébrales traumatisées se reprogramment en sentiment de sécurité, et si d’autres régions du cerveau facilitent cette reprogrammation. Ils ont découvert que le processus standard d’extinction des souvenirs récents n’est pas impliqué dans la dissolution des souvenirs traumatiques de longue durée ou considérés distants.

Le nucleus reuniens facilite la récupération

Une souris traumatisée exprime sa peur en se figeant sur place. Mais après la thérapie, le rongeur regagne confiance et récupère une mobilité normale. On a exposé un groupe d’animaux à la thérapie un jour après le traumatisme, et l’autre 30 jours plus tard.

Les scientifiques ont déterminé quels circuits cérébraux s’activaient dans les deux groupes de souris. Ils ont découvert qu’un jour après le traumatisme se déclenche un processus direct cortico-amygdalien ; mais après 30 jours, un autre processus se met en branle, indirect, et qui trouve son origine dans le nucleus reuniens.

« De manière intéressante, l’activité dans le nucleus reuniens atteint un bref pic peu avant que la souris ne cesse d’exprimer de la peur. C’est comme si cette activité anticipait la fin du moment où la souris se fige », explique Johannes Gräff. « Lorsque nous avons manipulé l’activité du nucleus reuniens en la synchronisant avec ces pics, nous avons constaté qu’elle était en effet importante pour réguler la peur. En conséquence, quand nous avons stimulé son activité, la souris se figeait moins. Et quand nous l’avons inhibé, elle se figeait plus. »

« D’un point de vue purement technique, cette anticipation du moment où le figement cesse est probablement la découverte la plus significative de notre recherche. »

Au niveau du circuit cérébral, ces résultats permettent de comprendre pourquoi les souvenirs traumatiques sont persistants et plus difficiles à dissoudre. L’étude ouvre de nouvelles perspectives sur les mécanismes cérébraux impliqués dans la récupération des souvenirs traumatiques de longue durée.

Le défi reste de transformer cette découverte récente en thérapie pour des patients souffrants de troubles liés à des stress post-traumatiques ou à d’autres expériences traumatiques à long terme. Les scientifiques ont obtenu l’autorisation d’étudier des mécanismes cérébraux analogues chez l’humain, en collaboration avec un institut des Pays-Bas.