Identifier les défauts des cristaux en deux dimensions dans l’eau

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Aleksandra Radenovic, Martina Lihter et Miao Zhang. © Alain Herzog 2021 EPFL
Aleksandra Radenovic, Martina Lihter et Miao Zhang. © Alain Herzog 2021 EPFL

Une équipe de chercheuses de l’EPFL a analysé le comportement des défauts de certains cristaux dans de l’eau pour mieux comprendre leurs propriétés et identifier leur qualité 

Le cristal monocouche, appelé aussi cristaux 2D ou matériaux 2D, possède la particularité d’avoir une unique couche de structure atomique régulière. Cet agencement, qui atteint parfois la perfection, renseigne sur sa qualité. Mais dans la nature, tout n’est pas aussi parfait. Certains cristaux, tels que le disulfure de molybdène, un cristal noir qui ressemble au graphite, comportent une telle structure en couches, dans laquelle des défauts peuvent être présents. « Les atomes du disulfure de molybdène sont assemblés en trois strates : la première est du sulfure, la deuxième du métal et la dernière du sulfure. Ces trois strates forment une couche qui s’apparente à un sandwich. Parfois, des atomes de sulfure manquent des deux côtés. Cela crée des défauts de vacances, explique Aleksandra Radenovic, directrice du laboratoire de biologie à l’échelle nanométrique de la faculté des sciences et techniques de l’ingénieur. Ces défauts peuvent également être bénéfiques. Par exemple, ils catalysent la réaction de séparation de l’eau pour produire de l’hydrogène ou servent de cibles dans les détecteurs de biomolécules. C’est pourquoi nous nous intéressons à ces défauts surtout lorsqu’ils sont dans de l’eau. » 

Sa postdoctorante Miao Zhang et Martina Lihter, ancienne doctorante, ont développé une technologie capable d’identifier ces défauts dans de l’eau permettant entre autres de mieux comprendre leur comportement. En effet, la microscopie électronique, qui permet de visualiser les défauts avec une bonne résolution, nécessite un environnement sous vide. « Les mesures dans le liquide sont encore difficiles », précise Aleksandra Radenovic. Pour pouvoir visualiser les sites de défauts dans le liquide, l’équipe du LBEN a adapté la modalité d’imagerie par microscopie optique appelée Point Accumulation in Nanoscale Topography (PAINT). Leur recherche est publiée dans la revue ACS Nano

Mettre en lumière les défauts

Comme le disulfure de molybdène ne comporte que trois couches d’atomes, il est presque transparent, ce qui permet aux scientifiques de l’observer au microscope à travers une fine lamelle de verre. « Nous avons plongé notre échantillon dans une solution aqueuse pour étudier l’activité des défauts dans un environnement liquide », explique Martina Lihter. 

Les chercheuses ont ensuite utilisé des sondes thiol fluorescentes qui se lient spécifiquement aux lacunes en soufre. « En dirigeant un faisceau de lumière laser sur l’échantillon, nous sommes capables de voir directement une seule sonde qui s’est liée à un défaut et de localiser précisément sa position », complète Miao Zhang. Il s’avère qu’une telle liaison est réversible dans certaines conditions. En visualisant une telle liaison transitoire aléatoire aux défauts sur une période de temps, comme une réminiscence de la stratégie PAINT, les scientifiques ont pu identifier et compter les défauts du cristal et quantifier ses imperfections, le tout à une échelle relativement grande. « Nous avons aussi pu observer leur interaction avec leur environnement », précise Miao Zhang.

« Altérer les propriétés »

Le fait que ces atomes manquent modifie les propriétés du cristal lui-même. Le sulfure de molybdène est un matériau semi-conducteur utilisé dans la fabrication de puce dans les appareils électroniques. Les tests menés par les trois chercheuses n’avaient pas que pour but de localiser les défauts, mais aussi de connaître le comportement de ces matériaux, là où se trouvent leurs imperfections et de pouvoir les traiter. « Si la composition atomique s’avère irrégulière, cela va changer le mouvement des charges électriques, notamment des électrons à l’intérieur du cristal, de même que leur mobilité. Ces défauts peuvent altérer les propriétés du matériau », explique Aleksandra Radenovic.

Les expériences ont été réalisées avec du sulfure de molybdène, mais les résultats s’appliquent à d’autres matériaux de la même famille (dichalcogénure de métal en transition) qui possèdent une structure atomique en sandwich.