Les semi-conducteurs atteignent le monde quantique

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Tianlun Yu (à gauche) et Vladimir Strocov à la ligne de faisceaux ADRESS de la S
Tianlun Yu (à gauche) et Vladimir Strocov à la ligne de faisceaux ADRESS de la Source de Lumière Suisse SLS, où ils ont effectué des mesures sur la structure stratifiée de nitrure de gallium semi-conducteur et de nitrure de niobium supraconducteur. (Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)

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Des effets quantiques dans des supraconducteurs pourraient faire prendre un nouveau virage à la technologie des semi-conducteurs. Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI et de l’Université de Cornell dans l’Etat américain de New York ont identifié un matériau composite qui pourrait intégrer des éléments quantiques dans la technologie des semi-conducteurs et rendre ainsi les composants électroniques nettement plus performants. Ils publient aujourd’hui leurs résultats dans la revue spécialisée Science Advances.

Notre infrastructure électronique est surtout basée aujourd’hui sur les semi-conducteurs. Cette classe de matériaux est apparu au milieu du 20e siècle et n’a pas cessé d’être améliorée depuis. Parmi les plus importants défis actuels de la technologie des semi-conducteurs figurent de nouvelles améliorations qui augmenteraient la bande passante pour la transmission des données, l’efficacité énergétique ainsi que la sécurité des informations. Intégrer des effets quantiques marquera vraisemblablement une percée.

Dans ce contexte, il est notamment envisageable d’avoir recours aux effets quantiques qui peuvent survenir dans des matériaux supraconducteurs. Les supraconducteurs sont des substances dans lesquelles la résistance électrique disparaît dès qu’elles sont refroidies à une certaine température. Le fait que des effets quantiques puissent être exploités dans des supraconducteurs a déjà été démontré dans les premiers ordinateurs quantiques.

Afin de trouver des successeurs à l’électronique des semi-conducteurs actuelle, quelques chercheurs - dont un groupe à l’Université de Cornell - étudient ce qu’on appelle des hétérostructures, c’est-à-dire des structures de deux matériaux différents. Il s’agit plus précisément de systèmes stratifiés à base de matériaux supraconducteurs et semi-conducteurs. «On sait depuis longtemps que l’on doit choisir pour cela des matériaux avec des structures cristallines très similaires, afin que cela ne suscite pas des tensions dans le réseau cristallin», explique John Wright, qui a fabriqué à l’Université de Cornell les hétérostructures pour cette nouvelle étude.

Dans cette perspective, deux matériaux sont appropriés, le supraconducteur nitrure de niobium (NbN) et le semi-conducteur nitrure de gallium (GaN). Ce dernier joue déjà un rôle important dans l’électronique des semi-conducteurs et a donc été bien étudié. Jusqu’ici, on ne savait toutefois pas clairement de quelle manière les électrons se comportaient dans la zone de contact des deux matériaux - et si les électrons des semi-conducteurs pouvaient perturber la supraconductivité et ainsi éliminer les effets quantiques.

«Lorsque je suis tombé sur la recherche du groupe de Cornell, j’ai su que l’on pourrait trouver la réponse à cette question fondamentale ici, au PSI, avec nos méthodes spectroscopiques à la ligne de faisceaux ADRESS », relève Vladimir Strocov, chercheur à la Source de Lumière Suisse SLS du PSI.

Une collaboration s’est ainsi instaurée entre les deux groupes. Au cours de leurs expériences, ils ont finalement découvert que les électrons dans les deux matériaux restaient «isolés», et qu’il n’y avait pas d’interaction indésirable susceptible d’inhiber les effets quantiques.

La lumière synchrotron montre les structures électroniques

Les chercheurs du PSI ont utilisé une méthode reconnue à la ligne de faisceaux de la SLS, la spectroscopie de photoélectrons à résolution angulaire au moyen de rayons X mous - abrégée SX-ARPES en anglais. «Grâce à cette méthode, nous pouvons rendre visibles le mouvement collectif des électrons dans le matériau», souligne Tianlun Yu, post-doctorant dans l’équipe de Vladimir Strocov, qui a effectué les mesures sur l’hétérostructure NbN/GaN. Il est avec John Wright le premier auteur de la nouvelle publication.

La méthode SX-ARPES fournit une sorte de carte, dont les coordonnées indiquent dans une direction l’énergie des électrons et dans l’autre quelque chose comme leur vitesse, ou plus précisément leur vecteur d’onde. «Dans cette représentation, les états électroniques sont indiqués sous la forme de bandes claires sur la carte», note Tianlun Yu. Le résultat décisif de la recherche: à la interface entre le nitrure de niobium NbN et le nitrure de gallium GaN, les «bandes» sont clairement séparées les unes des autres. Les chercheurs ont pu en déduire que les électrons restaient dans leur matériau d’origine et qu’ils n’interagissaient pas avec les électrons dans la substance voisine.

«La conclusion la plus importante pour nous est que la supraconductivité dans le nitrure de niobium reste préservée, même si celui-ci est placé atome par atome de manière concordant sur une couche de nitrure de gallium, fait valoir Vladimir Strocov. Nous avons ainsi pu livrer une autre pièce de puzzle qui confirme que ce système stratifié pouvait effectivement fournir une nouvelle forme d’électronique des semi-conducteurs qui intègre les effets quantiques dans des supraconducteurs et les exploite.»

Texte: Paul Scherrer Institut/Laura Hennemann