Les scientifiques appellent à une meilleure gestion des nanodéchets

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The entrance hall of Le Cedre. 2021, Claudio Merlini
The entrance hall of Le Cedre. 2021, Claudio Merlini
Les déchets contenant des nanomatériaux - ou nanodéchets - constituent un problème de sécurité émergent dans le monde entier, nécessitant une gestion écologiquement rationnelle et une réglementation qui reste à établir. Des scientifiques de l'Université de Fribourg soulignent les lacunes actuelles et proposent des premières solutions pour y remédier.

Les nanodéchets comprennent les déchets de fabrication, les produits nanotechnologiques en fin de vie et les déchets contaminés (involontairement) par des nanomatériaux manufacturés. On estime que plus de 60 % de ces nanomatériaux manufacturés (jusqu'à 300’000 tonnes par an, sans compter les nanoplastiques) finissent en décharge. Bien qu'il n'existe actuellement aucune définition ou classification mondiale des nanomatériaux ou des nanodéchets, il est nécessaire de trouver des solutions tangibles en matière d'évaluation des risques, de catégorisation, d'étiquetage, de collecte, de stockage, de transport, de recyclage et d'élimination.
Dans un commentaire publié dans la revue scientifique de référence Nature Nanotechnology, des chercheuses et chercheurs du groupe BioNanomatériaux de l'Institut Adolphe Merkle, ainsi que des collègues de l'Université de Fribourg et de l'EPFL, plaident en faveur d'une prise de conscience, ainsi que de la nécessité d'élaborer des directives techniques et juridiquement contraignantes sur les nanodéchets, strictement fondées sur le principe de précaution. Ces directives devraient s'appuyer sur les connaissances les plus récentes du comportement des nanomatériaux et sur une définition souple de ces derniers.

Pragmatisme en attendant des lois universelles
L'élaboration de ces premières lignes directrices nécessite des évaluations des risques en fonction des nanodéchets spécifiques générés, une compréhension détaillée des réglementations nationales et internationales relatives aux déchets et matériaux dangereux, ainsi qu'une collaboration avec le personnel de laboratoire pour trouver des procédures faciles à exécuter pour collecter, stocker et éliminer ces déchets.
Comme le soulignent les scientifiques, une série de mesures ont déjà été mises en oeuvre à l'Institut Adolphe Merkle, en collaboration avec les responsables de la sécurité de l'Université de Fribourg. Il s'agit notamment d'un étiquetage et d'un stockage appropriés conformément à la législation nationale et internationale sur les matières dangereuses, de directives détaillées sur la manière d'éliminer correctement les nanodéchets et du regroupement de ces déchets en quelques catégories légalement autorisées.

Ne pas empêcher l’innovation
Pour les laboratoires de recherche, de telles directives sont particulièrement importantes en raison de la grande complexité des déchets générés, de la présence d'une grande variété de matériaux non testés et de la multiplicité des utilisateurs des laboratoires, expliquent les auteur·trices. Des règles plus explicites pour les nanodéchets, telles que des pictogrammes spécifiques, pourraient également contribuer à harmoniser la gestion des nanodéchets dans l'industrie, à prévenir la classification erronée de substances dangereuses dans des catégories non dangereuses et à éviter l'exposition involontaire des personnes et de l'environnement à des nanomatériaux dangereux.
Les recommandations présentées dans l'article s'adressent aux chercheuses et aux chercheurs, ainsi qu’aux responsables politiques du monde universitaire et de l'industrie. Pour protéger la santé humaine et l'environnement, les auteur·trices préconisent une sensibilisation et une action accrues pour gérer les nanodéchets, ainsi que l'inclusion explicite de la gestion des nanodéchets dans les accords multinationaux. Ils mettent également en garde les décideurs·euses politiques contre une politique de deux poids, deux mesures qui entraverait le remplacement des produits chimiques conventionnels plus dangereux par des nanomatériaux nouveaux, moins nocifs et dégradables.

> Référence: Schwab, F.; Rothen-Rutishauser, B.; Scherz, A.; Meyer, T.; Karakoçak, B. B.; Petri-Fink, A. The Need for Awareness and Action in Managing Nanowaste. Nat. Nanotechnol. 2023, 1-5.