C’est sous les tropiques que la biodiversité est la plus grande. Le fait qu’il y fasse chaud et humide joue un rôle important. Toutefois, le climat à lui seul ne permet pas d’expliquer correctement les schémas de biodiversité à l’échelle mondiale. Des scientifiques de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL ont abordé cette énigme sous un angle inédit et ont identifié une nouvelle raison, doublement importante, pour expliquer la richesse de la biodiversité dans les régions tropicales.
Personne ne sait exactement pourquoi les espèces sont si abondantes dans la forêt tropicale humide. On estime généralement qu’elles représentent les deux tiers du nombre total d’espèces dans le monde. Une étude récente vient par exemple de chiffrer à plus de 60 pour cent la proportion de vertébrés terrestres - amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères. Ce qui est clair, c’est que la biodiversité est plus importante sous les tropiques et qu’elle diminue vers les pôles. Ce gradient latitudinal de biodiversité est connu depuis plus de 200 ans.
Depuis tout aussi longtemps, les scientifiques tentent d’expliquer ces schémas globaux de biodiversité. Les environnements tropicaux étant anciens, de nombreuses espèces ont pu s’y développer au fil du temps. Par ailleurs, en comparaison avec d’autres zones climatiques, les tropiques occupent une superficie particulièrement vaste. Ils offrent donc beaucoup d’espace, suffisamment de ressources, et une grande variété d’habitats pour un grand nombre d’espèces. L’un des principaux facteurs est le climat chaud et humide, dans lequel les processus biologiques se déroulent très rapidement, qui ne connaît ni pause estivale ou hivernale, et qui est donc très propice à la production. «Il restait toutefois à déterminer si la diversité des espèces sous les tropiques était principalement due au climat ou si la taille et le degré d’isolement de ces régions jouaient un rôle plus important», expliquent Catherine Graham et Niklaus Zimmermann de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL). Marco Túlio Pacheco Coelho, chercheur à l’Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), et ses collègues ont inversé l’approche classique de cette question - et sont soudain parvenus à expliquer la richesse globale en espèces bien mieux que ce qui avait été possible jusqu’alors.
Leur démarche originale a consisté à répertorier en détail les conditions climatiques sur notre planète. Parallèlement, ils ont consigné avec précision la présence de diverses espèces, des oiseaux aux mammifères en passant par les amphibiens et les reptiles, qui prospèrent dans ces conditions climatiques spécifiques. Une des pierres angulaires de leur analyse a consisté à quantifier la taille et l’isolement des régions du globe qui présentent des conditions climatiques identiques.
Alors que certaines conditions climatiques prévalent dans de vastes régions, d’autres se manifestent plus sporadiquement, comme des poches isolées dans une mosaïque climatique, à la manière d’îles au milieu d’un vaste océan changeant.
Comme les scientifiques s’y attendaient, l’analyse a montré que la chaleur et l’humidité sont des prérequis importants pour une biodiversité élevée. «Mais ce qui est deux fois plus pertinent, c’est ce que nous appelons la géographie du climat, c’est-à-dire l’isolement des régions présentant les mêmes conditions climatiques, ainsi que leur superficie totale», commente Catherine Graham. Si un climat donné prévaut sur une grande superficie totale composée de régions isolées, la diversité des espèces sous ce climat est particulièrement élevée.
«Dans les régions montagneuses, les dialectes diffèrent souvent d’une vallée à l’autre parce que les populations humaines sont séparées par le relief. Il en va de même pour les plantes et les animaux. S’ils vivent dans des endroits isolés, ils se développent et se transforment selon des schémas uniques», précise Marco Coelho. Et justement, «la superficie totale des tropiques remplit ces conditions, avec des forêts tropicales humides réparties sur différents continents», poursuit Catherine Graham. C’est aussi là que la biodiversité est la plus grande. Les régions plus froides des latitudes élevées, en revanche, sont moins étendues que les tropiques, sont mieux connectées entre elles, et abritent nettement moins d’espèces que les tropiques.
Les scientifiques proposent donc la géographie du climat pour expliquer le gradient latitudinal de biodiversité. Mais leurs résultats n’ont pas qu’une valeur théorique, «ils peuvent être très utiles pour l’avenir», affirme Marco Coelho. En effet, non seulement le climat changera, mais aussi les zones climatiques. «Cela soulève les questions suivantes: si l’on compare les zones climatiques à un puzzle, certains morceaux seront-ils plus dispersés et d’autres plus proches les uns des autres? Leur taille va-t-elle changer?», commente le chercheur. La nouvelle démarche permet de répondre à ces questions, ajoute-t-il. «Si nous savons comment ces morceaux de puzzle peuvent se déplacer, nous pouvons mieux nous préparer à protéger la vie sur notre planète dans un climat en mutation.»
Coelho, M.T.P., Barreto, E., Rangel, T.F. et al. (2023): The geography of climate and the global patterns of species diversity. Nature, ’023 -06577-5 Le WSL et le SLF mettent gratuitement à disposition du matériel visuel et sonore pour une utilisation dans le cadre d’articles de presse en rapport avec ce communiqué de presse. La reprise de ce matériel dans des bases de données d’images, de sons et/ou de vidéos ainsi que la vente de ce matériel par des tiers ne sont pas autorisées.
Pourquoi les tropiques sont si riches en espèces
Advert