L’utilisation des terres influence les êtres vivants dans le sous-sol

- EN- DE- FR - IT
Champ ou forêt? Dans les captages d’eau situés à proximité de champs, les
Champ ou forêt? Dans les captages d’eau situés à proximité de champs, les chercheuses et chercheurs ont trouvé plus rarement des amphipodes qu’aux captages situés au coeur de la forêt (Photo: Wikimedia, Adrian Michael).
Les chercheuses et chercheurs de l’Eawag ont réuni et évalué une banque de données unique au monde sur la présence de divers amphipodes dans les eaux souterraines. Ils ont réussi à montrer que l’utilisation des terres a un impact sur ces animaux sensibles dans un rayon pouvant aller jusqu’à un kilomètre du captage de l’eau. Cela pourrait indiquer que les zones de protection des eaux souterraines actuelles ne sont pas assez grandes.

Quatre cinquièmes de l’eau potable en Suisse proviennent de réserves d’eau invisibles dans le sous-sol. De nombreux captages des eaux souterraines pompent ces réserves. L’approvisionnement en eau potable est donc soumis à une pression accrue. «Afin de pouvoir remplir les critères de qualité, ils doivent retirer certaines fontaines du réseau ou mélanger l’eau de source polluées avec de l’eau moins polluée» déclare l’écologue aquatique Mara Knüsel, qui termine actuellement son doctorat dans le groupe de recherche de Florian Altermatt à l’institut de recherche sur l’eau Eawag et à l’université de Zurich.

M. Knüsel et ses compagnons ont étudié intensivement ces dernières années des petits animaux qui vivent dans l’obscurité et l’eau froide: les amphipodes des eaux souterraines. Ils ressemblent à des petites crevettes et sont blancs et aveugles, à la différence des espèces d’amphipodes des rivières pigmentés. Ils jouent un rôle important pour la fonction des écosystèmes des eaux souterraines.

Dans leur article qui vient de paraître dans la revue scientifique Ecological Applications, les chercheuses et chercheurs font le lien entre la présence des amphipodes et le type d’utilisation des terres en Suisse centrale: aux captages d’eau situés au coeur de la forêt, les chercheuses et chercheurs ont fréquemment trouvé des amphipodes. En revanche, ils en ont rencontrés beaucoup plus rarement aux captages d’eau à proximité de champs. Les eaux souterraines de ces fontaines proches de champs sont en outre plus polluées en nitrate que les fontaines entourées de forêt, ce qui indique une plus mauvaise qualité de l’eau.


C’est néanmoins faire un raccourci que de conclure à une plus mauvaise qualité de l’eau, seulement à cause de l’absence d’amphipodes, nous donne à réfléchir le collègue de Mara Knüsel, Roman Alther: «L’hydrogéologie a elle aussi un rôle à jouer» explique-t-il. «Des facteurs tels que la structure de l’aquifère local, y compris la taille des pores et la chimie de l’eau, peuvent également influencer la présence ou non d’amphipodes.» Les chercheuses et chercheurs considèrent par conséquent la présence ou l’absence de ces petits animaux plutôt comme un indicateur complémentaire. «Comme indication qu’à un endroit précis, la biologie est éventuellement altérée», explique R. Alther.

Knüsel, M.; Alther, R.; Locher, N.; Ozgul, A.; Fi¨er, C.; Altermatt, F. (2024) Systematic and highly resolved modelling of biodiversity in inherently rare groundwater amphipods, Journal of Biogeography , doi: 10.1111/jbi.14975 , Institutional Repository

Knüsel, M.; Alther, R.; Altermatt, F. (2024) Pronounced changes of subterranean biodiversity patterns along a Late Pleistocene glaciation gradient, Ecography, 2024(8), e07321 (10 pp.), doi: 10.1111/ecog.07321 , Institutional Repository
Annette Ryser