Bien que le personnel soignant des hôpitaux suisses ait ressenti moins de pression, d’épuisement et de stress au cours des douze derniers mois que lors des pics de la pandémie de Covid-19, la charge de travail et les heures supplémentaires ont cependant continué à augmenter. La satisfaction et la probabilité de vouloir continuer à travailler dans le secteur des soins ont légèrement augmenté, mais restent inférieures aux niveaux d’avant la pandémie. C’est ce que montre le rapport de gestion hospitalière des chercheuses et chercheurs de l’Université de Berne. De plus, dans le domaine de la numérisation, de nombreux hôpitaux ont un retard à rattraper.
Depuis 2019, le rapport de gestion hospitalieÌ€re Suisse de l’Institut de comptabilité d’entreprise et de contröle de gestion (IUC) étudie tous les ans l’environnement de travail du personnel soignant et ceci en étroite coopération avec les höpitaux suisses. En été et en automne 2023, Markus Arnold, Arthur Posch et Lynn Selhofer de l’IUC ont ä nouveau mené une enquête aupreÌ€s d’environ 3400 infirmieÌ€res et infirmiers de 22 höpitaux suisses. L’enquête actuelle permet de se faire une idée de l’environnement de travail apreÌ€s la pandémie de Covid-19 et de mettre en évidence ses répercussions. Pour la premieÌ€re fois, l’enquête s’est également intéressée ä la numérisation dans les höpitaux suisses.
La charge et la pression du personnel soignant sont moins importantes
Les participant·e·s ont ressenti moins d’épuisement émotionnel - 6,5%) et moins de pression temporelle - 2,3%) (voir graphique 1) par rapport ä la période de la pandémie de Covid-19. Le niveau de stress a également été jugé légeÌ€rement inférieur. L’engagement envers les patient·e·s est resté largement ä un niveau élevé malgré la charge de travail au cours des cinq dernieÌ€res années. ’ Il est remarquable de noter que pendant toute la durée de la pandémie de Covid-19, l’engagement pour les patient·e·s de la part du personnel soignant n’ait gueÌ€re changé. Une bonne prise en charge a toujours été une préoccupation extraordinairement importante pour le personnel soignant ’, souligne Markus Arnold.
En revanche, la charge de travail de l’année dernieÌ€re a même été jugée plus importante que celle de l’année précédente. Cela a été dü, d’une part, ä une augmentation des heures supplémentaires et, d’autre part, en particulier ä des changements de personnel au sein des services, ä la restructuration de certains départements, mais aussi au recours ä du personnel temporaire plutöt qu’ä des emplois fixes. De nombreux höpitaux sont désormais conscients que le personnel temporaire bénéficie souvent d’un planning de service plus flexible et d’un meilleur salaire que les personnes avec un emploi fixe. Cela peut entraiÌ‚ner une augmentation de la charge de travail des personnes avec un emploi fixe en raison des services de nuit et de week-end. ’ Des mesures comme celles-ci peuvent certes briser les pics de charge ä court terme, mais cette enquête montre qu’elles entraiÌ‚nent une charge de travail accrue ä long terme chez le personnel soignant ’, explique Markus Arnold.
Les soins ont toujours besoin de soutien
La satisfaction au travail générale augmente par rapport aux deuxieÌ€me et troisieÌ€me ainsi que quatrieÌ€me et cinquieÌ€me vagues du Covid-19. Elle est désormais presque revenue ä son niveau d’avant le début de la pandémie. Un bon esprit d’équipe, un pouvoir de décision élevé, des possibilités de formation continue étendues et une utilisation compleÌ€te du potentiel numérique ont été cités comme des facteurs d’influence positifs concernant la satisfaction au travail. En revanche, la satisfaction concernant la rémunération reste dans l’ensemble relativement faible et, malgré une légeÌ€re augmentation par rapport aux deux dernieÌ€res années, elle reste inférieure de 14% ä la satisfaction d’avant la pandémie (voir graphique 2).
La probabilité de travailler dans le même service de l’höpital ou de continuer ä exercer la même profession dans deux ans a certes légeÌ€rement augmenté par rapport aux deux dernieÌ€res enquêtes, mais elle reste en moyenne inférieure d’environ 5% aux valeurs enregistrées avant la pandémie (voir graphique 3). ’ Les conséquences de la crise Covid-19 et la situation difficile du travail sont ici particulieÌ€rement visibles dans les résultats. Le domaine professionnel a impérativement besoin de soutien ’, explique Arthur Posch.
La mise en oeuvre de l’initiative sur les soins infirmiers se fait attendre
Bien que l’initiative sur les soins infirmiers doive contrer les évolutions négatives en termes de charge de travail et de diminution de la probabilité de rester ä l’höpital et dans la profession, le niveau de mise en oeuvre est jugé treÌ€s faible, surtout dans les petits höpitaux. 60% du personnel infirmier ont indiqué que leur höpital ne travaillait pas encore activement ä la mise en oeuvre de l’initiative sur les soins infirmiers (par exemple en augmentant le nombre de places de formation initiale et continue, en améliorant la planification des équipes). Pour environ 70% des participant· e·s , les progreÌ€s dans la mise en oeuvre ne sont pas encore vraiment visibles.
Besoin d’amélioration dans la numérisation des höpitaux suisses
Il apparaiÌ‚t en outre qu’une exploitation élevée du potentiel numérique va de pair avec une qualité accrue des soins. Les services avec un plus grand degré de numérisation atteignent également un niveau plus élevé d’activités d’innovation (comme le développement de nouvelles approches de soins, l’introduction de nouvelles techniques). ’ La numérisation dans les höpitaux permet non seulement de travailler plus efficacement, mais elle favorise également l’innovation du personnel soignant et donc des höpitaux ’, illustre Markus Arnold.