
Editer la littérature apocryphe chrétienne
La littérature apocryphe chrétienne représente un ensemble considérable de textes, dont la liste ne cesse de s’allonger au gré de nouvelles découvertes. Or ces documents sont très loin d’être tous accessibles dans des éditions critiques ou des traductions modernes. Longtemps négligée, cette littérature qui, sans être biblique, met en scène des personnages ou des événements racontés par la Bible, suscite actuellement un vif intérêt de la part du monde scientifique, en particulier aux Etats-Unis et en Allemagne où se sont constitués des groupes de recherche, car elle éclaire des zones méconnues du christianisme antique, dont les origines et les développements apparaissent toujours plus complexes. Grâce à l’Association pour l’Etude de la Littérature Apocryphe Chrétienne (AELAC), l’Institut romand des sciences bibliques (IRSB) de l’Université de Lausanne est devenu depuis une trentaine d’année un pôle d’excellence reconnu sur le plan international pour l’édition et l’étude de cette littérature. Dans le contexte actuel de concurrence accrue, le soutien du FNS permettra à l’Institut romand des sciences bibliques de renforcer durablement sa place comme lieu d’excellence pour l’édition critique et l’étude de ces textes.
Dans la tradition philologique classique, le projet propose des éditions critiques majeures, c’est-à-dire la reconstitution de textes sur la base de tous les témoins manuscrits identifiés et des citations anciennes, selon les règles établies de l’ecdotique, mais réalisées avec des outils de production et de consultation issus des derniers développements des humanités numériques. Le projet a également pour objectif de réaliser un ensemble d’outils interopérables pour la production et l’utilisation d’une édition critique numérique dans toutes les langues de l’Orient chrétien ancien, depuis la collation des manuscrits, puis l’analyse et le classement des variantes et des formes textuelles jusqu’à la consultation dynamique de cette édition. De manière plus générale, cette suite d’outils aussi conviviale que possible devrait encourager d’autres travaux d’édition critique, car elle sera utilisable non seulement pour la littérature apocryphe mais également pour toutes les littératures de l’antiquité classique et postclassique.
Trois éditions critiques avec traduction française et notes, ainsi que l’édition d’une synopse multilingue avec la tentative de reconstitution d’une source perdue sont planifiées dans le cadre du projet :
1. l’édition critique majeure électronique des Vies des Prophètes (BHG 1585-1590) et de textes apparentés (avec la collaboration externe de Christophe Guignard) ;
2. l’édition critique majeure électronique du Dialogus Timothei et Aquilae (CPG 7794) (sous la responsabilité de Patrick Andrist) ;
3. l’édition critique majeure électronique des Actes de Barnabé (CANT 285) dans ses formes grecques (BHG 225) et latines (BHL 983 à 988) (Maïeul Rouquette) ;
4. l’édition électronique d’une synopse des pseudo-clémentines (CANT 209) et l’essai de reconstitution de l’Écrit de base (sous la responsabilité de Frédéric Amsler). A l’instar de la reconstruction de l’hypothétique Source des paroles de Jésus à partir des Evangiles de Matthieu et de Luc, il s’agira d’essayer de reconstituer enfin l’hypothétique source perdue sous-jacente des deux formes du roman pseudo-clémentin, les Homélies et les Reconnaissances, dont l’existence est pourtant postulée depuis le XVIIe siècle !
Enfin le projet proposera une forme inédite de partenariat avec un éditeur commercial, de manière à offrir simultanément une version sous forme de livre et une version électronique intégrale en accès ouvert (open access) des éditions réalisées.
Doté de plus de 2 millions de francs répartis sur quatre ans (2017-2020), le projet permettra de constituer une équipe d’environ 8-9 personnes au total, composée de philologues et d’informaticiens engagés pour des durées et à des taux d’activité variables.