Le génome s’analyse désormais en 3D

La représentation traditionnelle de l’ADN sous forme de double hélice linéaire est trompeuse. En réalité, cette longue chaîne moléculaire se replie plutôt en pelote occupant un espace en trois dimensions dans le noyau cellulaire. Dans la revue Trends in Genetics, des biologistes de l’Université de Neuchâtel (UniNE) détaillent une méthode d’analyse de la structure 3D de l’ADN qu’ils entendent appliquer sur les données génétiques des papillons du genre Erebia.

’ Nous proposons ici une nouvelle manière de comprendre comment les espèces évoluent et se diversifient ’, s’enthousiasme Camille Cornet, doctorante au Laboratoire de génomique de la biodiversité dirigé par le professeur Kay Lucek. L’idée repose sur les avancées récentes en séquençage d’ADN qui permettent de voir comment la double hélice est organisée spatialement dans les cellules.

’ L’ADN n’est pas simplement une longue chaîne, poursuit la chercheuse. Il est replié en une structure complexe qui influence de nombreux processus biologiques, y compris ceux qui jouent un rôle dans la séparation des espèces, un phénomène appelé ’spéciation’. Par conséquent, des changements dans cette structure 3D peuvent faciliter la formation de nouvelles espèces. ’

Réarrangements chromosomiques

La recherche sur les papillons du genre Erebia que mènent Kay Lucek et ses collègues a produit des données importantes sur la structure en trois dimensions de leur ADN. Dans les mois à venir, ces scientifiques entendent comparer les structures 3D des génomes des différentes espèces d’Erebia. L’équipe neuchâteloise espère découvrir en quoi ces structures diffèrent et comment ces différences pourraient expliquer les nombreux réarrangements des chromosomes observés chez ces papillons.

En effet, dans les régions tempérées, les papillons du genre Erebia forment l’un des groupes les plus diversifiés génétiquement. L’ADN des espèces qui le composent peut varier de 7 à 51 chromosomes, ce qui le rend sujet à de fréquents réarrangements, faits de fusion ou de division de chromosomes, susceptibles d’influencer l’apparition d’une nouvelle espèce.

En utilisant les données disponibles et en continuant de produire de nouvelles informations grâce aux technologies de séquençage avancées, Kay Lucek et ses collègues comptent montrer l’importance de la structure 3D de l’ADN dans la spéciation. ’ Ce nouveau point de vue pourrait conduire à des découvertes majeures sur les mécanismes de diversification des espèces, enrichissant ainsi notre compréhension de l’évolution biologique ’, se réjouit Camille Cornet.