Qu’est-ce qui rend les particules fines si dangereuses?

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Les chercheur de l’Empa Christoph Hüglin, du département ’Pollution
Les chercheur de l’Empa Christoph Hüglin, du département ’Pollution de l’air / Technologie environnementale’, a étudié de plus près les paramètres de mesure des risques sanitaires pour la Suisse. Image: Empa

On sait que de grandes quantités de poussières fines dans l’air sont nocives pour la santé. Mais dans le détail, de nombreuses questions restent sans réponse : Quels composants sont particulièrement dangereux - Et à quelles concentrations - Le "potentiel d’oxydation" des poussières fines pourrait servir à l’avenir de critère pour l’évaluation des risques - et des chercheurs de l’Empa l’ont étudié pour la Suisse. Inflammations, bronchites, crises d’asthme, troubles cardiovasculaires... - un extrait de la liste des dommages possibles pour la santé dus à des concentrations élevées de poussières fines : des particules d’un diamètre de dix micromètres au maximum - appelées "PM10" - et des particules encore plus petites "PM2.5", qui parviennent dans nos poumons par les gaz d’échappement des voitures, les chauffages, les entreprises industrielles et les sources naturelles. Certes, une surveillance stricte et des mesures de réduction ont permis de diminuer la pollution depuis les années 90 en Suisse également, mais le problème persiste en de nombreux endroits, notamment dans les villes.

La taille des particules, la composition, les sources et les effets des poussières fines ne sont pas faciles à déterminer. Une chose est sûre : plus les particules sont petites, plus elles pénètrent profondément dans les poumons des individus. Mais quelles sont les fractions particulièrement dangereuses - Et dans quelles combinaisons et concentrations - Pour le décrire, un nouveau critère a été développé il y a quelques années, le "potentiel oxydatif" : un terme censé décrire la capacité des particules inhalées à déclencher la formation de ce que l’on appelle les radicaux libres dans l’organisme, qui peuvent finalement conduire à des inflammations.

Les chercheurs de l’Empa Stuart Grange et Christoph Hüglin, du département "Pollution de l’air / Technologie environnementale", ont donc étudié de plus près l’adéquation de cette mesure pour la Suisse - en menant une campagne de mesure complexe, avec le soutien de l’Université française Grenoble Alpes. A l’aide du Réseau national d’observation des polluants atmosphériques (NABEL), que l’Empa gère avec l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), ils ont collecté des échantillons de poussières fines des catégories PM2.5 et PM10 24 heures sur 24 entre juin 2018 et mai 2019. Les stations de mesure couvraient toute la gamme des pollutions par les particules fines et étaient situées dans des villes, dans des zones d’agglomération et dans des zones rurales au sud et au nord des Alpes.

Au total, les spécialistes ont analysé environ 900 échantillons en laboratoire - à l’aide de méthodes de test du potentiel oxydatif utilisant différentes substances d’analyse : Acide ascorbique (en abrégé : AA), dithiothréitol (DTT) et dichlorofluorescéine (DFCH). Dans le test AA, la consommation d’acide ascorbique, un antioxydant important, permet de tirer des conclusions sur la "toxicité" oxydative de l’échantillon de poussières fines, par exemple en raison des métaux qu’il contient. Les deux autres procédés fonctionnent de manière similaire, mais utilisent d’autres substances pour la détection. Pour simplifier, explique Christoph Hüglin, les trois méthodes offrent des perspectives différentes sur des processus biologiques similaires.


Outre le potentiel d’oxydation, un grand nombre de substances chimiques contenues dans les poussières fines ont été analysées. Il en est résulté une grande quantité de données sur les éléments, les ions et les substances organiques qui composent les poussières fines en Suisse. Pour identifier dans cette masse de données les "substances suspectes" ayant le plus grand potentiel d’oxydation, les chercheurs de l’Empa ont eu recours à des méthodes apprentissage automatique. Plus précisément, l’algorithme "Random Forest", qui, au sens figuré, fait pousser une forêt d’innombrables arbres qui prennent chacun des décisions sur les corrélations dans les données - comme dans ce cas les substances contenues dans les poussières fines et le potentiel oxydatif correspondant. Au final, un modèle moyen est formé à partir des décisions prises par l’ensemble de la forêt.

Les spécialistes ont ainsi réduit le nombre de substances suspectes à une douzaine, qu’ils ont à leur tour analysées à l’aide de méthodes de calcul et de modèles conventionnels, pour finalement découvrir les principaux dangers pour la santé - différents métaux ou encore des substances organiques, qui fournissent à leur tour des indications sur leur origine et leurs causes.

Les résultats confirment des faits connus tels qu’une nette disparité entre la ville et la campagne en ce qui concerne les poussières fines et leurs conséquences sur la santé, ainsi qu’une pollution plus élevée en hiver qu’en été. Avec toutefois des exceptions : Les valeurs du potentiel d’oxydation, rapportées au volume d’air, ont augmenté de manière particulièrement nette dans le sud de la Suisse pendant la saison froide - dans les régions qui étaient alors polluées par la fumée provenant de la combustion du bois.


Les valeurs moyennes les plus basses ont été relevées dans les zones rurales, tandis que les valeurs les plus élevées ont été enregistrées dans une station de mesure urbaine et de trafic sur l’ensemble de la période. Aux carrefours urbains à forte circulation, d’autres émissions que les gaz d’échappement sont également préoccupantes : des métaux tels que le cuivre, le zinc et le manganèse indiquent la présence de composants de poussières fines qui peuvent provenir de l’abrasion des pneus ou des plaquettes de frein.

La question de savoir comment le critère du potentiel d’oxydation peut décrire précisément les risques pour la santé fait actuellement l’objet de controverses parmi les spécialistes. Finalement, même les mesures et les analyses les plus précises des polluants atmosphériques ne répondent pas aux questions ouvertes sur les processus d’inflammation dans le corps humain. Mais après les analyses effectuées par son équipe, le chercheur de l’Empa Christoph Hüglin part tout de même du principe qu’il est possible d’en déduire des mesures judicieuses : Certes, toutes les particules fines pourraient nuire à la santé - mais en ce qui concerne le potentiel oxydatif, les composants issus du trafic routier, qui ne proviennent pas des gaz d’échappement, et de la combustion du bois devraient faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre des mesures de protection de la population.

Les dangers des particules fines

Les particules fines peuvent être décrites comme un mélange de particules solides et liquides dans l’air - provenant de sources anthropogènes comme les moteurs ou les gaz d’échappement industriels, ou de sources naturelles comme les volcans. Alors que de nombreuses particules sont directement émises dans l’air (particules primaires), les particules secondaires ne se forment que dans l’atmosphère par des réactions chimiques de composés gazeux. Pour la santé humaine, ce sont surtout les poussières fines respirables, dont les particules ont un diamètre aérodynamique inférieur à dix micromètres, qui sont importantes. Les poussières fines comprennent également les particules dites ultrafines, comme celles provenant des gaz d’échappement des moteurs diesel, qui pénètrent profondément dans les poumons et peuvent causer de graves dommages.