Prévisions pour l’économie suisse en 2018-2020

L’économie suisse devrait atteindre 3% de croissance en 2018, 2,7% en 2019 et 2,2% en 2020. L’écart de production redeviendra ainsi positif d?¨s 2018.

Résumé des prévisions de l'Institut CREA

Selon les nouvelles estimations de l'OFS, le PIB réel suisse a progressé de 1,6% en 2017 (et non de seulement 1% comme estimé précédemment). Cette poussée de croissance s'est poursuivie au cours des deux premiers trimestres de 2018, le PIB affichant une hausse moyenne de 3,2%, avec une croissance passant de 2,9% au premier trimestre à 3,4% au deuxième. La demande intérieure finale étant restée stable par rapport à 2017 et la demande globale n'augmentant que de 1,3% (2,5% sans or et objets de valeur), c'est la baisse de 2,3% des importations totales au cours des deux premiers trimestres qui a poussé la croissance du PIB vers le haut, les importations totales venant en déduction dans le calcul du PIB. La consommation privée continue, elle, à évoluer à des rythmes peu élevés, soit 1,2% en moyenne au cours des deux premiers trimestres de 2018.

Après la forte croissance de 4,7% en 2017, le commerce mondial est en train de ralentir. Selon les premières estimations de l'OMC, la croissance des exportations mondiales a fléchi et atteint seulement 3,2% au deuxième trimestre 2018. Avec l'escalade des tensions commerciales et un resserrement des conditions de crédit, entre autres, l'OMC a révisé vers le bas ses prévisions pour le commerce mondial en 2019, ce dernier ne devant croître plus que de 3,7% au lieu de 4,4% prévu en avril. Ce repli s'explique également par celui de la croissance mondiale qui devrait passer de 3,1% en 2018 à 2,9% en 2019. Le récent indicateur avancé du commerce mondial de l'OMC (WTOI) confirme le signal donné en avril, à savoir un ralentissement de la dynamique des échanges commerciaux dans les mois à venir. L'indice se trouve tout proche de la zone inférieure à la tendance de long terme. Depuis quelques mois, les commandes à l'exportation et le fret aérien reculent et en tout quatre indices sur sept entrant dans le WTOI sont orientés à la baisse.

Les indicateurs avancés de l'OCDE pour l'économie de la zone euro pointent désormais vers un infléchissement de la croissance. Depuis la fin de 2017, les indicateurs avancés ne cessent de diminuer pour la plupart des grandes régions économiques, la zone euro et l'Europe perdant le plus de points, alors que l'indicateur pour les Etats-Unis a gagné du terrain. Parmi les pays européens, principaux partenaires commerciaux de la Suisse, tous ont perdu du terrain et en particulier l'Espagne, la France et l'Allemagne. A noter que l'indicateur pour le Portugal est un des rares à se redresser au cours des trois derniers mois. La Chine a vu sa croissance ralentir et l'indice PMI pointe vers une décélération de la production industrielle et des activités économiques en général. L'économie japonaise a retrouvé une croissance forte et les indicateurs avancés de l'OCDE pointent vers la stabilité de cette croissance au cours des mois à venir. Diverses tensions, quelles qu'elles soient, freineront pourtant l'activité économique mondiale en 2019-2020.

Il s'ensuit que l'économie suisse, actuellement en plein régime, sera impactée à travers ses exportations par ce repli conjoncturel international, en particulier en Europe. Mais les effets se feront sentir seulement vers la fin de 2019 et le dynamisme actuel se perpétuera probablement jusque vers le milieu de l'année 2019. En effet, la plupart des PME exportatrices s'attendent toujours à une hausse de leurs exportations dans les mois à venir, ce qui devrait encore soutenir la production dans les mois à venir. Ainsi, après un net rebond en 2018, la croissance helvétique devrait se replier, un peu en 2019 et plus fortement en 2020.
Selon nos modèles, le PIB devrait croître de 3% en 2018, 2,7% en 2019 et 2,2% en 2020 , l'écart de production redevenant ainsi nettement positif dès 2018.

Les ménages helvétiques se montrent moins optimistes que lors des sondages précédents. Même si l'indice du climat de consommation se maintient autour de la moyenne observée au cours des onze dernières années, il est néanmoins redevenu négatif. La plupart des sous-indices ont diminué ou sont retombés dans le rouge, tels ceux sur la situation économique à venir ou encore ceux sur la situation budgétaire future. Même si leur appréciation reste bonne pour le marché du travail, les ménages sondés s'attendent à une hausse du chômage dans les mois à venir et le moment pour de grandes acquisitions est dès lors jugé peu favorable. Le commerce de détail, hors carburants, a augmenté au cours des huit premiers mois, mais de seulement 0,2%, corrigés des effets calendriers. La hausse, quoique faible, des salaires réels en 2019-2020 devrait toutefois soutenir la consommation privée, cette dernière étant prévue se renforcer légèrement au cours des deux années à venir.

La production industrielle devrait continuer à évoluer à des rythmes élevés au cours des mois à venir, même si quelques signes pointent vers un fléchissement qui pourrait intervenir en 2019. En effet, la plupart des indicateurs industriels du KOF se sont une nouvelle fois renforcés au cours des mois d'été, mais pour certains la dynamique sous-jacente a ralenti. C'est le cas pour l'indice des entrées de commandes et pour celui des carnets de commandes, impliquant des perspectives moins bonnes pour l'achat de biens intermédiaires, entrant dans le processus de production. Un pic d'activité semble avoir été atteint en juillet-août. L'indice PMI ne fait que confirmer cette évolution. Après une nouvelle accélération en août, l'indice s'est nettement replié en septembre, mais se maintient confortablement dans la zone de croissance. L'indice de la production et celui des carnets de commandes perdent plus de terrain. Il s'ensuit que les investissements en biens d'équipement devraient se replier par rapport à 2017.

Dans le secteur principal de la construction, les indices clignotent en rouge depuis un moment. Les entrées de commandes ont reculé, en particulier dans le domaine de la construction de logements, et il en est de même pour les projets de construction pour les mois à venir. Les réserves de travail sont trop faibles pour soutenir les activités de construction. Après le sommet atteint au 3 e trimestre 2017, l'indice de la construction du CS n'a cessé de diminuer, laissant entrevoir une nette perte de dynamisme dans ce secteur. Ainsi, l'indice global a reculé de 8 points au 3 e trimestre, sur une base annuelle. Toutes les composantes chutent, que ce soit par rapport au trimestre précédent ou par rapport au même trimestre de 2017. Comme l'indice général, celui de la construction de logements perd également 8 points et l'indice du génie civil même 14 points. Après une croissance de 0,9% en 2018, les investissements en construction devraient s'approcher rapidement d'une stagnation en 2019 et reculer en 2020, de peu il est vrai.

Selon l'Administration fédérale des douanes, les exportations ont diminué en septembre, pour la première fois depuis une année. Sur l'ensemble des neuf premiers mois, elles ont toutefois encore augmenté de 5,6%, en valeur. Toutes les catégories importantes ont vu leurs exportations diminuer en septembre, mais enregistrer une hausse pour l'ensemble des neuf premiers mois. Les exportations de produits chimiques et pharmaceutiques (environ 45% du total des exportations) n'ont enregistré qu'une faible hausse de 3,6% au cours des neuf premiers mois, alors que les produits de l'industrie MEM ont vu leurs exportations progresser de 7%. Au cours des deux premiers trimestres, les importations totales ont diminué ce qui, avec la hausse des exportations totales a donné une forte hausse des exportations nettes, d'environ 25%. Les attentes des PME exportatrices restent bonnes et le baromètre des exportations du CS se maintient nettement au-dessus du seuil de croissance, même s'il fléchit depuis quelques mois. La dynamique des exportations devrait se perpétuer en 2019, avant un repli en 2020, au vu des hypothèses sur la conjoncture internationale adoptées ici.

L'évolution globalement positive de l'économie suisse devrait inciter les entreprises à continuer à embaucher, mais le rythme devrait ralentir. Le taux de chômage devrait rester sous la barre des 3% en 2019, avant de remonter légèrement en 2020.

Le niveau général des prix a commencé à augmenter et devrait poursuivre cette tendance en 2019-2020, ce qui tire les salaires réels vers le bas, alors que les salaires nominaux devraient atteindre une hausse moyenne de 1,5% 2019-2020. Il en sera de même pour l'ensemble des taux d'intérêt, le rendement des obligations de la Confédération, avec échéance 10 ans, ayant déjà passé dans la zone positive, mais peut-être n'est-ce que momentanément. Les taux resteront encore historiquement bas.

Détail des chiffres: Télécharger ce résumé au format PDF, incluant les tableaux.

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Le CREA est l'Institut d'économie appliquée de la Faculté des HEC de l'UNIL: www.unil.ch/crea.