Un robot qui vous suit à la trace

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Des étudiants guident leurs robots à l'aide d'images © Jamani Caillet /
Des étudiants guident leurs robots à l'aide d'images © Jamani Caillet / EPFL 2019
Série d’été. Projet d’étudiants - Programmer un robot pour qu’il les suive et participe à une course en tandem humain-robot, tel était le défi de vingt-quatre étudiants de Master de l’EPFL. Un travail qui permet de développer la cohabitation robot-humain.


Sur la ligne de départ, des étudiants se préparent. Au top, ils brandissent une pancarte vers leur robot qui s’empresse de les suivre. Leur but : être le premier à passer la ligne d’arrivée avec son robot.

Cette course en tandem humain-robot est le projet final pour le moins original qu’ont pu réaliser début juin la vingtaine d’étudiants de Master participant au cours «Data and AI for Transportation», donné par Alexandre Alahi, professeur assistant au Laboratoire d’lntelligence Visuelle pour les Transports (VITA) de l’EPFL.

Algorithme de reconnaissance

«Il fallait faire en sorte que le robot puisse reconnaître un signal visuel donné avec sa caméra intégrée et le suive, indique Rayan Abi Fadel, étudiant en section du Management de la technologie. Pour cela, nous avons élaboré et implémenté notre propre algorithme sur un robot.» Concrètement, chaque équipe partait avec le même matériel, un robot - un segway baptisé Loomo - et un algorithme de base préparé par deux doctorants du laboratoire VITA, Yuejiang Liu et George Adaimi. À partir de là, la tâche des étudiants était d’améliorer l’algorithme et de le paramétrer en utilisant des méthodes de deep learning et d’IA.

L’algorithme consiste à entraîner un réseau neuronal profond (deep neural network) à détecter la position d’un objet dans n’importe quelle image. L’idée est de créer une base de données d’images synthétiques, obtenues en "collant" cet objet sur des arrière-plans aléatoires. «Avec cette méthode, il est possible de contrôler précisément certains paramètres afin d’améliorer la performance du robot, explique Alexandre Carlier, étudiant en section informatique qui a terminé à la 3e place du classement. Par exemple, pour qu’il puisse suivre l’objet, même lorsque son tandem est en train de courir, on peut ajouter artificiellement du flou dans les images d’entraînement pour simuler un effet de mouvement rapide.»

Si la plupart des participants savaient déjà programmer, certains ont appris à le faire en cours de route, notamment Linah Charif et Sergej Gasparovich, étudiants en section de génie civil, arrivés premiers de la course. «C’est une grande fierté de voir que les étudiants qui ne savaient pas coder peuvent acquérir cette compétence et arriver à un tel résultat grâce à ce cours», souligne Alexandre Alahi.

Parmi les challenges à relever, les interférences causées par les autres concurrents sur la piste ou encore les possibles différences de luminosité dans la pièce. «Les virages sont aussi une difficulté majeure. Il faut que le robot puisse toujours nous avoir dans son champ de vision et qu’il continue à nous suivre», ajoute Alexandre Carlier.

Plutôt qu’un visage, la plupart des étudiants ont choisi de programmer le robot à reconnaître une image, un signal plus franc et moins enclin à souffrir des interférences. Un cercle rouge, Mickey, une banane, le drapeau suisse, un verre de vin, chaque équipe a choisi son emblème.

Véhicules autonomes, mais pas que

Dans ses applications réelles, ce genre d’algorithme est typiquement utilisé dans les véhicules autonomes pour reconnaître panneaux et feux de circulation, voitures et piétons. «Dans mon laboratoire, nous travaillons à faciliter la coexistence de ces robots avec les humains», précise Alexandre Alahi. Que l’on imagine un robot livreur de colis, ou accompagnant les personnes âgées pour porter leurs bagages ou leur sac de course, il importe que le robot puisse non seulement percevoir le comportement humain, mais également agir avec une certaine intelligence sociale. Lorsqu’il se déplace dans une foule par exemple, il devrait pouvoir anticiper et respecter les conventions sociales et les règles éthiques. Cette course est donc également une opportunité de montrer qu’humains et robots peuvent coexister dans un espace réduit.

Si le classement final dans la course fait partie des critères de notation, il n’est pas le seul. «Les étudiants seront surtout notés sur leur travail préalable d’amélioration du modèle, déclare George Adaimi, doctorant. Mais j’espère que cette course aura rendu l’exercice plus amusant et qu’il aura motivé les étudiants à poursuivre dans ce domaine de recherche.»