Les avions de ligne tubulaires pourraient être remplacés à l’avenir par d’autres types de construction : Les jets avec "Blended Wing Body" voleraient plus efficacement et seraient moins bruyants - mais quel serait l’effet des émissions sonores de ces nouveaux avions sur l’homme - Des chercheurs de l’Empa ont étudié cette question dans leur laboratoire d’acoustique.
Le bruit des avions représente souvent une nuisance pour les riverains des aéroports et des couloirs aériens - et, dans le pire des cas, un danger pour la santé : des troubles du sommeil aux maladies cardio-vasculaires. En Europe, selon un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement , environ quatre millions de personnes ont été exposées à des niveaux de bruit aérien trop élevés en 2017. Les avions de nouvelle génération dotés d’un "Blended Wing Body", dont le fuselage se fond dans les ailes de manière "fluide" - avec moins de résistance à l’air et de consommation de carburant - sont considérés comme porteurs d’espoir pour atténuer ces nuisances. Et avec moins d’émissions sonores en direction du sol, lorsque les moteurs sont placés en haut du fuselage.
Comment ces avions long-courriers d’un nouveau genre, pouvant transporter environ 400 passagers, s’en sortiraient-ils par rapport aux avions traditionnels - L’équipe de l’Empa vient de publier ses résultats dans la revue spécialisée " Aerospace Science and Technology ". Sur la base des lois de la physique, les experts ont généré des simulations sonores de survols - purement synthétiques au moyen de programmes informatiques. Ils ont vérifié ces simulations avec des enregistrements d’avions actuels lors d’atterrissages et de décollages autour de l’aéroport de Zurich. Comme les bruits simulés correspondaient bien aux données de mesure, ils ont pu être utilisés pour la comparaison avec les simulations pour le nouveau concept d’avion BWB.
Afin d’évaluer la gêne occasionnée par les émissions sonores des différents avions de ligne lors de leur survol, 31 personnes âgées de 18 à 61 ans ont participé à des essais très élaborés dans l’"AuraLab" de l’Empa. Les simulations spatiales provenant des haut-parleurs disposés avec précision comprenaient - après un passage pour s’habituer - 36 survols : décollages et atterrissages des types d’avions conventionnels et innovants, à chaque fois dans différentes phases de vol. Ces scénarios de bruit comprenaient également des détails comme la position des volets ou du train d’atterrissage, ainsi que des conditions atmosphériques comme les turbulences ou les réflexions sonores au sol.
Après l’expérience, les sujets ont rempli des questionnaires dans lesquels ils ont exprimé leurs impressions subjectives - à l’aide d’une échelle courante et standardisée de 11 points, allant de 0 pour "pas du tout dérangé ou gêné" à 10 pour "extrêmement dérangé ou gêné". En outre, ils ont été interrogés sur le degré de familiarité avec lequel ils percevaient l’événement sonore en question.
Les résultats : Dans le meilleur des cas, la gêne occasionnée par le nouvel avion BWB a été évaluée à 4,3 unités de moins que celle occasionnée par le jet de passagers traditionnel. Une nette différence donc, qui s’explique aussi par le fait que l’avion virtuel était équipé dans la simulation d’autres technologies de réduction du bruit ou de moteurs à émissions particulièrement faibles. En outre, les sondages ont montré que les décollages de ce type d’avion laissaient une impression sonore moins familière aux participants - un indice de caractéristiques acoustiques inhabituelles, qui devrait probablement influencer positivement la perception de la gêne.
Compte tenu des nombreuses variantes possibles, il n’est guère possible de prédire quelle variante d’un avion BWB pourra s’imposer à l’avenir. Mais selon Reto Pieren, chercheur à l’Empa, une chose est sûre. "La plus forte contribution à la réduction du bruit provient sans aucun doute de la forme de l’avion, qui isole le bruit des réacteurs vers le bas", explique l’acousticien, "les autres technologies de réduction du bruit ne représentent qu’environ 15 pour cent de la réduction de la gêne".
Grande étude de l’UE sur le bruit des avions
" ARTEM " ("Aircraft noise Reduction Technologies and related Environmental iMpact") était un projet de recherche de cinq ans qui, à partir de fin 2017, s’est penché sur de nouvelles technologies de réduction du bruit pour les configurations d’avions à partir de 2035 et 2050. Premièrement, des approches innovantes ont été développées pour réduire le bruit des avions à la source. Deuxièmement, le projet s’est penché sur des concepts permettant d’atténuer efficacement le bruit des moteurs et d’autres sources de bruit grâce à de nouveaux matériaux. Les nouvelles technologies ont abouti à la conception d’un futur jet avec "Blended Wing Body". Vingt-quatre partenaires de dix pays européens ont participé à ce grand projet, dont l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) français et le Centre aérospatial allemand (DLR), qui a coordonné le projet, l’Université de Rome III et l’EPFL. ARTEM" a été financé dans le cadre du programme de financement de l’UE Horizon 2020.