Les transformateurs sont un élément indispensable de notre approvisionnement en électricité: ils augmentent la tension dans les stations de conversion de manière à ce que le courant puisse être transporté par une ligne à haute tension sur de longues distances moyennant de faibles pertes. A l’autre bout des lignes à haute tension, d’autres transformateurs effectuent le processus inverse de manière à ce que le courant arrive avec une tension de 230 volts dans les prises électriques des logements.
Or, même dans le cas des transformateurs modernes, il reste un potentiel d’optimisation afin de réduire les pertes de conversion. C’est à ce problème que Christian Grünzweig, chercheur spécialisé dans le domaine des neutrons à l’Institut Paul Scherrer PSI, et ses collaborateurs ont consacré deux nouvelles études. Dans ce cadre, ils ont testé une méthode d’analyse ultramoderne et montré comment faire pour visualiser les minuscules structures magnétiques à l’intérieur d’un transformateur en activité. Les résultats de ces analyses contribuent à la compréhension des transformateurs actuels et au développement de futures variantes plus efficaces.
Tout dépend de la flexibilité des parois Lorsqu’il s’agit d’augmenter ou d’abaisser la tension, le noyau de fer magnétique en forme d’anneau qui se trouve dans le transformateur constitue l’élément central
, explique Christian Grünzweig. Les minuscules domaines magnétiques dissimulés à l’intérieur jouent un rôle essentiel. Dans chaque domaine, l’orientation magnétique est uniforme. Les interfaces entre les domaines sont appelées murs ou parois de domaines en langage spécialisé. Lorsque le noyau de fer est magnétisé, cela signifie qu’au niveau microscopique, tous les domaines sont orientés dans la même direction. Autrement dit, les parois de domaine disparaissent. La mobilité des parois de domaine est le facteur décisif pour des transformateurs efficaces
, affirme Benedikt Betz, auteur principal des deux études et doctorant dans l’équipe de Christian Grünzweig. Car la fréquence du courant alternatif qui circule dans nos lignes électriques est de 50 Hertz. Cela veut dire que le noyau de fer du transformateur subit 100 fois par seconde une inversion d’aimantation – le pôle sud magnétique est remagnétisé en pôle nord magnétique et inversement. Les domaines doivent sans cesse s’adapter en grossissant et en rétrécissant. Plus les parois sont mobiles, mieux c’est. La technologie du PSI permet de radiographier les transformateurs
Jusqu’ici, les méthodes établies permettaient seulement une observation indirecte du comportement précis des parois de domaines. L’interférométrie de neutrons, développée il y a dix ans par Christian Grünzweig dans le cadre de sa thèse de doctorat au PSI, permet à présent pour la première fois d’observer directement les parois de domaines. Les domaines sont comme des parcelles de terrain, séparées les unes des autres par des barrières, explique Christian Grünzweig. Grâce à l’interférométrie de neutrons, ce que nous pouvons voir, ce sont les barrières, autrement dit les parois de domaines, et non les parcelles de terrain.
Sur les images des chercheurs, ces parois de domaines apparaissent sous forme de lignes noires.
Dans le cadre d’une étude menée sous la houlette de Benedikt Betz, l’équipe de Christian Grünzweig a étudié ce qui se passait si l’on appliquait du courant continu à un transformateur, puis ce qui se passait si on l’augmentait avant de le réduire à nouveau. En augmentant le courant, les lignes noires disparaissent et le noyau est magnétisé de manière continue. C’est seulement dans cet état que le noyau peut transmettre la tension de manière efficace. Lorsque les chercheurs réduisent le courant, les lignes noires réapparaissent et, avec elles, les parois de domaine. Cette étude a ainsi fourni les bases pour d’autres analyses.
Lors de la deuxième étude, les chercheurs ont appliqué du courant alternatif comme dans la réalité dont ils ont varié l’intensité et la fréquence. Il s’est avéré qu’à partir de certains seuils, aussi bien de puissance de courant que de fréquence de courant alternatif, les parois de domaines disparaissent ou semblent se figer.
De manière ciblée vers des transformateurs plus efficaces Avec ces visualisations, nous ne mettons pas directement de meilleurs transformateurs à disposition
, admet Christian Grünzweig. Mais nous offrons une nouvelle méthode à la communauté scientifique et l’industrie.
Au bon moment, de surcroît. Car depuis l’an dernier, l’industrie de l’énergie est tenue d’améliorer le bilan énergétique de ses transformateurs dans le contexte de la directive de l’UE sur l’écoconception. Cette directive a aussi été reprise par la Suisse. Jusqu’ici, l’amélioration des transformateurs se faisait par tâtonnement: on ne sait donc pas exactement pourquoi un nouveau transformateur fonctionne mieux qu’un ancien. Une connaissance plus précise des processus magnétiques qui se jouent dans le noyau de fer permet maintenant aux fabricants de transformateurs d’optimiser leurs produits de manière plus ciblée.
Le potentiel des améliorations est énorme, car selon les projections, sur toute l’UE, les grands transformateurs de distribution perdent quelque 38 térawattheures (38 TWh) d’énergie par an, soit plus de la moitié de ce que produit la Suisse chaque année. Une amélioration de l’efficacité des transformateurs de quelques pourcents permettrait déjà, à elle seule, d’économiser le volume de production de plusieurs centrales.
Texte: Jan Berndorff
L’Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l’institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l’énergie et l’environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2000 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d’environ CHF 370 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l’ETH Zurich, l’EPF Lausanne, l’Eawag (Institut de Recherche de l’Eau), l’Empa (Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).
(Mise à jour: mai 2016)