Découverte d'une église du Ve siècle

Les derniers jours des fouilles, Cédric Cramatte est tombé sur une
Les derniers jours des fouilles, Cédric Cramatte est tombé sur une sépulture située sous le coeur de l’église. Pour l’archéologue, ces ossements n’excluent pas la présence d’une église plus ancienne, située en dessous de celle du Ve siècle. Quentin Schwitzguébel © UNIL

Parti explorer un camp militaire romain, un archéologue tombe sur les vestiges d’une église du Ve siècle. Il s'agit d'une découverte majeure. 

«Cette découverte équivaut à celle d’un nouveau théâtre romain!», s’enthousiasme Cédric Cramatte. Archéologue et chercheur à l’UNIL, le jeune homme part en expédition chaque été depuis 2006 dans la ville antique de Mandeure, située dans le Jura français. Ses fouilles s’inscrivent dans un programme de recherches en partenariat avec les Universités de la Sorbonne, Besançon et Strasbourg. Dans cette étude, il revient à chaque université d’explorer une partie de l’ancienne agglomération romaine, appelée alors Epomanduodurum, «la forteresse des petits chevaux». L’UNIL a ainsi hérité du fortin de la ville antique, un camp militaire du Bas Empire construit au milieu du IVe siècle.

Cette année, le chercheur rentre d’expédition avec une grande découverte: une église du Ve siècle. Une trouvaille qu’il a pris la peine de faire confirmer à des spécialistes de l’époque paléochrétienne avant d’oser la communiquer. «Cette découverte est très importante pour la connaissance des débuts du christianisme dans la région», souligne le chercheur. L’archéologue rappelle que seuls les sites romains de Genève et d’Augusta Raurica, dans le canton de Bâle-Campagne, possèdent un monument comparable.

Sol peint et blocs décorés

Un sol en mortier recouverts d’un badigeon rougeâtre. Les fondations d’une estrade s’avançant dans une nef. Des blocs de pierres décorés de riches motifs (voir image ci-dessus). Ces indices ont conduit cet été le chercheur à reconnaître l’existence d’une église primitive sur le site militaire qu’il fouille depuis trois ans (voir album-photos en lien). «Dans le courant du Bas Empire, les fortins ont été peu à peu occupés par des civils. L’habitat, de même que les installations religieuses et artisanales ont donc remplacé progressivement les aménagements militaires. Cette évolution explique la présence de cette église dans l’enceinte», précise le chercheur.

Mais tout de même. Les vestiges de l’église antique ont surpris Cédric Cramatte et son équipe, composée d’une quinzaine d’étudiants en sciences de l’Antiquité. D’autant plus que le chercheur venait d’endurer une déception. Ce n’était en réalité pas une église qu’il était venu chercher, mais un arc de triomphe répertorié par un archéologue français du XIXe siècle. Et en comparant les descriptions du XIXe au cadastre récent, l’archéologue est tombé sur les ruines d’un... égout. «On est donc passé d’une porte triomphale à un égout triomphal», raconte-t-il en plaisantant.

Mystérieuse sépulture

Inutile de s’attrader sur ce revers, car l’été a été prolifique en découvertes. En plus de l’église du Ve siècle, l’équipe lausannoise a pu prouver que le site antique était situé au bord de l’ancien tracé du Doubs, en retrouvant aux abords du fortin les quais de la ville du Haut-Empire. Cédric Cramatte n’est d’ailleurs peut-être pas au bout de ses surprises. Les derniers jours de fouilles, son équipe est tombée sur une sépulture située sous le choeur de l’église (barre jaune sur le schéma du bas). Pour le chercheur, ces ossements n’excluent pas la présence d’une église plus ancienne, située en-dessous de celle du Ve siècle. Pour le savoir, Cédric Cramatte devra attendre l’été prochain, qui marquera la dernière expédition sur les ruines d’Epomanduodurum. A moins que d’autres découvertes ne viennent perturber le programme des recherches franco-suisses...

Sandrine Perroud, www.unil.ch/actu