28.08.15 - Prendre le volant à Nairobi relève souvent du parcours du combattant. Une application développée avec l’EPFL permet aux habitants d’agir pour améliorer la situation
Nids-de-poule, fossés et autres bosses jalonnent les routes de Nairobi, au Kenya. Aucun panneau ne met en garde les conducteurs de «Matatus», les minibus omniprésents dans la région, des pièges qui les attendent. Et dans une ville de 3,1 millions d’habitants où l’état des routes reflète la réalité économique, les travaux sont souvent réalisés au compte-goutte. Mais une application baptisée CommuniSense, développée avec l’EPFL, veut faire la différence.
Son objectif : changer les citoyens en ingénieurs des routes bénévoles. Une idée développée à Nairobi avec la participation d’un étudiant kenyan, Jidraph Njuguna. «Je voulais faire quelque chose contre les dangers que je vois depuis que je suis enfant, explique-t-il. Ici, on dit que les conducteurs préfèrent foncer dans le trafic plutôt que traverser les nids-de-poule. Le pire, c’est la nuit : peu de routes sont éclairées, et on se retrouve parfois projeté en l’air après avoir heurté une bosse.»
Cheville ouvrière du projet, Darshan Santani, doctorant à l’ Idiap (institut de recherche affilié à l’EPFL) a effectué un stage à IBM Research Africa en 2014. Il a passé trois mois à sillonner les rues de Nairobi pour développer le concept de CommuniSense, qui se base sur le volontariat et le crowdsourcing (production participative). «Les gens photographient les zones à problèmes, qui seront signalées sur une carte via leur smartphone et pourront potentiellement être transmises aux autorités», explique le chercheur de 31 ans. Une démarche rendue possible grâce au fort taux d’utilisation des smartphones en Afrique. Plus de 78% de la population dispose d’un téléphone mobile, en majorité des modèles bon marché tournant sous Android.
A terme, l’objectif de CommuniSense est triple. Tout d’abord, établir une signalisation virtuelle des pièges de la route. Ensuite, dénoncer les problèmes auprès des autorités pour les inciter à entreprendre des travaux. Enfin, le projet a une composante civique, puisqu’il encourage les citoyens à s’impliquer directement. «Les gens se mobilisent pour les problèmes qui les touchent, et le crowdsourcing via les téléphones mobiles est un outil puissant pour que les gens puissent s’entre-aider», souligne Darshan Santani, qui précise que le projet, s’il a été développé à Nairobi, est applicable à d’autres villes et pays en voie de développement.
Face à la réalité du terrain, l’application ne sera toutefois pas une solution miracle pour réparer la chaussée. Ce qui n’empêche pas ses auteurs d’imaginer des alternatives. «Des segments de route pourraient être entretenus dans le cadre d’un accord de responsabilité sociale des entreprises», estime Darshan Santani. «Des levées de fonds réalisées par les habitants auprès d’entreprises privées pourraient aussi permettre de réparer certaines routes», ajoute le professeur Daniel Gatica-Perez, chercheur à l’Idiap, qui y voit une sorte de Kickstarter pour infrastructures urbaines.
CommuniSense: Crowdsourcing Road Hazards in Nairobi, Santani, Darshan; Njuguna, Jidraph; Bills, Tierra; Bryant, Aisha W.; Bryant, Reginald; Ledgard, Jonathan; Gatica-Perez, Daniel. In Proceedings of 17th International Conference on Human-Computer Interaction with Mobile Devices and Services (MobileHCI), 2015.
Une appli pour déjouer les pièges de la route au Kenya
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