02.11.15 - Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point un algorithme pour analyser l’écriture des Mayas. Un projet qui pourrait à terme contribuer à traduire cette langue complexe et qui reste en partie inconnue
Si 5 millions de personnes parlent encore une langue issue de la civilisation Maya en Amérique du Sud, il n’en va pas de même pour l’écriture. Les secrets du Maya classique se sont perdus avec la destruction de la plupart des ouvrages lors de la conquête espagnole au XVIe siècle. Seuls trois codex sont conservés dans des musées et institutions à Paris, Dresde et Madrid. Des données précieuses pour les chercheurs qui tentent de percer les secrets de cette écriture précolombienne, dont une partie (environ 10-15% des symboles) reste encore obscure. Aujourd’hui, des chercheurs de l’Institut de recherche Idiap, affilié à l’EPFL et au nouvel Institut des humanités digitales du Collège des Humanités, utilisent l’informatique pour contribuer à des avancées significatives dans le travail des archéologues et des épigraphistes.
Des écrivains créatifs
Grâce à une collaboration étroite avec les spécialistes de l’écriture maya, ils ont analysé des milliers de hiéroglyphes, ces symboles qui peuvent représenter un son, un mot, voir une phrase entière. « Chaque image raconte une histoire, explique Rui Hu, chercheuse de l’équipe "Social Computing" à l’Idiap. Parfois, il est possible de deviner le sens en les comparant avec les interprétations des gens qui parlent encore cette langue aujourd’hui, mais aussi avec des glossaires qui datent de l’époque coloniale. » La tâche est d’autant plus ardue que ces hiéroglyphes sont difficiles à déchiffrer sur les documents historiques, de par leur ’ge et leur état de conservation. De plus, les écrivains précolombiens ont parfois représenté le même dessin de manière créative et variable selon l’époque et l’endroit. Sans parler des symboles qui se ressemblent alors qu’ils veulent dire quelque chose d’entièrement différent.
Un casse-tête pour les archéologues et les épigraphes, qui passent encore beaucoup de temps à consulter des catalogues afin d’identifier chaque symbole. Grâce au travail des chercheurs de l’Idiap en collaboration avec les spécialistes de l’écriture maya à l’Université de Bonn en Allemagne, des représentations de haute qualité des hiéroglyphes trouvés dans les trois ouvrages connus ont été réalisés, afin de les classer dans un répertoire numérique. Cet outil permet ensuite aux chercheurs de déterminer rapidement quel est le hiéroglyphe observé et sa signification, ainsi que de savoir, par exemple, quelles sont les combinaisons de dessins les plus souvent observés dans le même « bloc » d’écriture.
Base de donnée en ligne
Ce projet interdisciplinaire auquel participe aussi l’Université de Genève doit à terme déboucher sur la mise en ligne d’une base de données qui permettra à la communauté scientifique de rechercher, comparer ou annoter des textes pour faire avancer la connaissance de l’écriture et de l’iconographie maya. « En alliant l’informatique au travail des experts du domaine maya, nous pouvons réaliser des avancées fascinantes», souligne Rui Hu. Des progrès qui mèneront peut-être un jour à une traduction assistée par ordinateur, sorte de Google Translate pour historiens.
R. Hu, G. Can, C. Pallan Gayol, G. Krempel, J. Spotak, G. Vail, S. Marchand-Maillet, J.-M. Odobez and D. Gatica-Perez, Multimedia Analysis and Access of Ancient Maya Epigraphy, IEEE Signal Processing Magazine, Special Issue on Signal Processing for Art Investigation, Vol. 32, No. 4, pp. 75-84, Jul. 2015.