Le Vatican et la Suisse, cap vers un nouvel horizon diplomatique

Il y a 101 ans, les relations diplomatiques entre la Suisse et le Vatican reprenaient après un gel d’une cinquantaine d’années. Un tournant raconté par Lorenzo Planzi, dans un livre tiré d’un projet postdoc du FNS, et célébré à l’Université de Fribourg, le 8 novembre en présence du Conseiller fédéral Ignazio Cassis et du Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, le Cardinal Pietro Parolin.

En 1873, les tensions du Kulturkampf aboutissent au renvoi du nonce apostolique à Rome. Que s’est-il passé? Au cours du XIXe siècle, les relations entre la Suisse et le Saint-Siège se font de plus en plus difficiles, en raison des conflits croissants opposant le radicalisme politique et la romanité catholique. La rupture à proprement parler survient dans le contexte du Kulturkampf. Dans son encyclique Etsi multa luctuosa du 21 novembre 1873, le pape Pie IX condamne les discriminations subies par l’Eglise dans plusieurs cantons. Lors de sa séance du 12 décembre 1873, le Conseil fédéral décide de mettre fin aux relations diplomatiques avec le Saint-Siège, «considérant qu’une représentation diplomatique permanente du Saint-Siège en Suisse est inutile». La Nonciature de Lucerne ferme définitivement ses portes en février 1874. Le départ du dernier chargé d’affaires, Mgr Giovanni Battista Agnozzi, marque le début d’une vacance diplomatique qui prendra fin seulement en 1920.

Une longue histoire lie pourtant la Suisse et le Saint-Siège. Qu’a-t-elle de particulier? Une Nonciature à Lucerne, instituée suite à une correspondance du cardinal Charles Borromée, existait depuis 1586, en tant que représentation auprès des cantons catholiques. Il est particulier qu’il s’agit de la deuxième représentation diplomatique permanente sur le territoire suisse, après l’Ambassade de France à Soleure. A l’époque de la République helvétique, régime imposé par les Français entre 1798 et 1803, la Nonciature est brusquement fermée. Sa réouverture en 1803 marque l’accréditation du nonce auprès de la Confédération suisse sur l’entier de son territoire. En juin 1804, le nonce Fabrizio Sceberras Testaferrata est solennellement reçu ÜBerne: «Parvenu en ville, le Nonce fut accueilli avec tous les honneurs militaires, et au milieu d’une foule très nombreuse qui se trouvait aux fenêtres, sous les arcades et dans les rues.»

Votre livre retrace «l’histoire du patient travail de tissage des rapports officieux entre le Pape et le Conseil fédéral». Comment les relations officieuses rejoignent-elles à nouveau la grande histoire à la fin de la première guerre mondiale? Les relations sont glaciales jusqu’à la fin du pontificat de Pie IX, en 1878. Son successeur, Léon XIII, mène ensuite une diplomatie privilégiant la médiation, ce qui donne lieu à des rapprochements certes timides, mais significatifs: le Saint-Siège s’emploie à rendre crédible l’image d’une Eglise qui prend ses distances par rapport à l’époque de Pie IX, tandis que Berne dépasse une phase durant laquelle le radicalisme semblait poussé à l’extrême. Dans une seconde période cruciale, on met en oeuvre tous les moyens possibles pour rompre l’isolement des catholiques dans la société, à commencer par la création de l’Université de Fribourg. Durant la Première Guerre mondiale, on observe une convergence de fait entre la politique de neutralité de la Suisse et celle d’impartialité du Saint-Siège. Celui-ci prend contact avec le Conseil fédéral et propose que la Suisse, territoire neutre, héberge des prisonniers de guerre blessés ou malades. Le conseiller fédéral Giuseppe Motta accepte la proposition et c’est grâce à cette coopération humanitaire inédite entre le pape Benoît XV et la Suisse que la Nonciature est réouverte en 1920.

Ce processus est couronné, en 1920, par le retour du nonce en terre helvétique. Tout un symbole? La diplomatie a peut-être besoin de périodes de gel et de silence, comme celle qui a suivi le Kulturkampf opposant la Suisse et le Saint-Siège, pour retrouver son sens profond et son identité. La période de rupture a fait comprendre aux deux parties combien leurs relations diplomatiques étaient uniques et précieuses. Le premier Nonce ÜBerne, Mgr Luigi Maglione, en remettant ses lettres de créance au Conseil fédéral, en novembre 1920, se déclare depuis longtemps «admirateur du peuple suisse, dans lequel sont associés la réflexion allemande, l’esprit français et la finesse de sentiment italien».

Et depuis? Au cours du XXe siècle les relations sont excellentes. Durant le second conflit mondial, la Nonciature de Berne compte des avantages non négligeables au niveau diplomatique et aussi sur le plan de la politique humanitaire. Le Conseil fédéral, pour sa part, nomme en 1991 un ambassadeur en mission spéciale auprès du Saint-Siège, tandis que depuis 2004 celui-ci décide d’accréditer un ambassadeur co-accrédité dans diverses cités européennes, de Prague ÜBerne, jusqu’à Ljubljana.

Au printemps dernier, Guy Parmelin s’est rendu à Rome à l’occasion de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux gardes pontificaux. Comment les relations diplomatiques se profilent-elles aujourd’hui? Lors de sa séance du 1er octobre 2021, le Conseil fédéral a décidé d’établir dans la Ville éternelle l’Ambassade de Suisse auprès du Saint-Siège, qui s’occupera également des relations diplomatiques avec Malte et Saint-Marin. Il s’agit du couronnement de ce siècle de relations officielles, qui aboutira à une plus grande coopération bilatérale avec le Saint-Siège. Ce tournant sera fructueux pour les deux parties, qui sont unies par tant de projets ouverts dans le monde et sur le monde, de la promotion de la paix au développement durable, mais toujours avec à coeur la défense de l’infinie dignité de chaque être humain.

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  • Plus d’infos sur le livre Il Papa e il Consiglio federale
  • Plus d’infos sur l’événement « Célébration officielle du Centenaire de la reprise des relations diplomatiques entre la Confédération et le Saint-Siège et colloque ». Inscriptions et certificat covid obligatoires.


Exerce d’abord sa plume sur des pages culturelles et pédagogiques, puis revient à l’Unifr où elle avait déjà obtenu son Master en Lettres. Rédactrice en chef d’Alma & Georges, elle profite de ses heures de travail pour pratiquer trois de ses marottes: écrire, rencontrer des passionnés et partager leurs histoires.

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Exerce d’abord sa plume sur des pages culturelles et pédagogiques, puis revient à l’Unifr où elle avait déjà obtenu son Master en Lettres. Rédactrice en chef d’Alma & Georges, elle profite de ses heures de travail pour pratiquer trois de ses marottes: écrire, rencontrer des passionnés et partager leurs histoires.

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