Membrane stable pour les véhicules de transport thérapeutique

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Vésicules de membrane de plasma géantes (GPMV) sous un microscope à balayage las
Vésicules de membrane de plasma géantes (GPMV) sous un microscope à balayage laser. La membrane est colorée en vert. Le schéma montre les trois domaines de la membrane copolymère réticulée.

Les cellules peuvent former des vésicules en réponse à des changements dans leur environnement. Bien que de telles vésicules dérivées de cellules offrent un grand potentiel pour la recherche biomédicale, leur membrane est fragile et elles ont tendance à s’agglutiner. Des chercheurs de l’Université de Bâle ont développé une stratégie pour remédier à ces problèmes en dotant la membrane vésiculaire d’une enveloppe stabilisatrice.

Les vésicules dérivées de cellules sont de petites bulles formées par la cellule à partir de sa propre membrane et de son propre cytoplasme lorsqu’elle est soumise à un stress dû à des radiations ou à certaines substances chimiques. L’intérieur des vésicules peut abriter une grande variété de biomolécules et les transporter en conséquence. Les vésicules ressemblent structurellement à leur cellule mère, mais peuvent exister indépendamment d’elle. Tant leur fonction de système de transport extracellulaire que leur similitude avec la cellule de départ les rendent intéressantes pour le développement de véhicules de transport thérapeutiques.

Cependant, leur membrane étant extrêmement instable, les vésicules dérivées de cellules ont tendance à éclater et à s’agglutiner. Comme elles ne survivent pas longtemps au sein d’un organisme, leur utilisation dans la recherche médicale et pharmaceutique est considérablement limitée.

Une solution élégante

Une équipe de recherche dirigée par Cornelia Palivan du Département de chimie de l’Université de Bâle et du National Center of Competence in Research Molecular Systems Engineering a été en mesure, grâce à une nouvelle approche, d’empêcher non seulement l’endommagement de la membrane d’un certain type de vésicules dérivées de cellules, mais aussi la formation de clusters. Leurs conclusions ont été publiées dans la revue scientifique Advanced Healthcare Materials.

Les chercheurs y sont parvenus en entourant la membrane des vésicules à membrane plasmatique géante (GPMV) d’un copolymère synthétique qui sert de couche protectrice. Nous avons jeté un regard nouveau sur l’amélioration de la stabilité et de la fonctionnalité de la membrane naturelle des vésicules dérivées de cellules, comme cela est nécessaire pour les applications médicales avancées", explique Palivan.

Les chimistes ont synthétisé un copolymère qui devait contenir spécifiquement trois domaines : un premier domaine hydrophobe qui s’insère dans la membrane de la vésicule et sert d’ancrage. Un deuxième domaine, hydrophile, qui forme l’enveloppe extérieure protectrice par une réaction chimique de réticulation. Cela augmente la stabilité de la membrane sans affecter le GPMV dans sa fonction de véhicule de transport ou de stockage. Un troisième domaine améliore la biocompatibilité globale.

Le GPMV réticulé présentait une perméabilité membranaire réduite, une résistance accrue aux tensioactifs et à différentes températures de stockage, ce qui a été constaté en collaboration avec les chercheurs de l’EPF de Zurich. En outre, l’agrégation des GPMV n’a pas eu lieu.

Libération contrôlée de la charge

Au-delà de la stabilisation de la membrane des GPMV, les chercheurs ont montré qu’ils étaient désormais capables de contrôler le chargement et la libération de la charge. Les vésicules devenaient plus petites ou plus grandes en fonction de la variation du pH de leur environnement. Lorsqu’elles deviennent plus grandes, elles peuvent libérer une charge spécifique déjà encapsulée à l’intérieur, comme une substance médicamenteuse. Elles agissent donc comme des véhicules de transport thérapeutique stimuli-réponse qui libèrent le médicament ’à la demande’ dès qu’un changement prédéterminé du pH de leur environnement se produit.

Applications dans le traitement du cancer

Notre approche conduit au premier exemple de GPMV stabilisé par un copolymère, capable de déclencher la perméation de molécules à la demande", explique Xinan Huang, premier auteur de l’étude. Cette nouvelle propriété de réactivité aux stimuli qu’apporte la nature chimique du copolymère justifie le grand intérêt de la recherche biomédicale pour ces véhicules de transport modifiés. Ceci est particulièrement vrai pour le traitement du cancer, car le microenvironnement d’une tumeur présente un pH plus faible que celui des tissus sains. Il est possible de charger les GPMV avec un principe actif qui est ensuite livré directement dans la cellule cible.

Bien que les connaissances se limitent actuellement à un type de vésicule, le groupe de recherche prévoit d’étendre ses recherches : ’La stratégie est orientée de telle sorte qu’il ne devrait y avoir aucun problème pour la mettre à l’échelle et l’étendre à d’autres vésicules dérivées de cellules avec une efficacité considérable’, explique Cornelia Palivan.

Publication originale

X. Huang, D. Hürlimann, H. T. Spanke, D. Wu, M. Skowicki, I. A. Dinu, E. R. Dufresne, C. G. Palivan
Vésicules dérivées de cellules avec une stabilité accrue et une fonctionnalité à la demande en équipant leur membrane d’un copolymère à liaisons croisées
Advanced Healthcare Materials (2022), doi:10.1002/adhm.202202100.